Bismillah : un regard sur le monde et la nature


Al-Fâtihah est la sourate que tout musulman lit lors de ses cinq prières quotidiennes. Qu’est-ce que qu’elle nous enseigne ? Quelle est sa finalité ? Elle commence par la formule de la « basmalah » (« bismillâh al-rahmân al-rahîm ») :

« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ». 

Coran 1 : 1
بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَٰنِ الرَّحِيم

Nous commençons à lire au nom de Dieu, pour Dieu, dans le but de nous rapprocher de Lui. Dieu a plein de qualités : Il est le plus Savant (A’lam), le plus Puissant (Aqwâ), le plus Grand (Akbar)… Pourquoi les sourates commencent-elles par « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux » ? Pourquoi Dieu rappelle Sa Rahmah, Sa Clémence et Sa Miséricorde, plutôt que ses autres qualités ?

Parce que Sa Rahmah vient équilibrer Ses autres qualités : Son pouvoir de tout connaître, de faire tout ce qu’Il veut, de rendre justice, de sanctionner et de contraindre, etc. En effet, Son pouvoir de rendre justice patiente derrière sa Rahmah :

« Si Dieu tenait rigueur aux gens de leur injustice, Il ne laisserait aucun être vivant sur la Terre (…) ». 

Coran 16 : 61
وَلَوْ يُؤَاخِذُ اللَّهُ النَّاسَ بِظُلْمِهِم مَّا تَرَك عَلَيْهَا مِن دَابَّةٍ

Autrement dit, dans Sa relation avec l’être humain, Dieu donne la priorité à Sa Rahmah sur toutes Ses autres qualités et capacités. Il invite toute personne à venir vers Lui et à jouir de Sa Rahmah :

« (…) Et Ma miséricorde embrasse toute chose. Je la destine à ceux qui Me craignent, qui donnent la zakah (une partie de leur richesse à titre d’impôt social), et qui sont convaincus par Nos signes ». 

Coran 7 : 156
وَرَحْمَتِي وَسِعَتْ كُلَّ شَيْءٍ ۚ فَسَأَكْتُبُهَا لِلَّذِينَ يَتَّقُونَ وَيُؤْتُونَ الزَّكَاةَ وَالَّذِينَ هُم بِآيَاتِنَا يُؤْمِنُونَ

Dans la vie quotidienne et dans la lecture du Coran, chacun peut goûter à la Rahmah de Dieu. Si à l’occasion des prières quotidiennes où nous récitons « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux », nous faisions l’effort de méditer sur cette formule, cela nous permettrait de réformer plein de comportements excessifs ou injustes. 

Penser, vivre et agir « au nom de Dieu », cela veut dire ne pas se prendre pour le centre du monde, ne pas prendre sa communauté comme la seule qui ait de la valeur. Cela veut dire « Allahu akbar », Dieu est plus Grand que moi ou que ma communauté. Dieu est Ahkam, plus Sage, et A’lam, plus Savant que la sagesse et la connaissance individuelles ou collectives. Cela veut dire que l’individualisme, le communautarisme et le nationalisme possèdent une part de la connaissance et de la sagesse mais qu’ils sont insuffisants, qu’ils ont leurs propres aveuglements et excès. Cela veut dire que Dieu est la référence première que nous devons suivre pour réduire nos aveuglements, nos excès et nos injustices. Ce n’est ni telle communauté, ni telle nation ni l’Homme en général, ni tel individu qui gouverne l’univers mais Dieu le Clément.

La basmalah (la formule « bismillâh al-rahmân al-rahîm ») résume bien une vérité essentielle pour éclairer la vie de l’être humain. La basmalah est à l’image d’un slogan qui, à force d’être répété et médité, encourage l’être humain à s’éloigner de l’injustice et du conformisme aveugle, à s’éloigner des comportements qui consistent à humilier les autres ou à leur être indifférent… Elle lui rappelle qu’il a besoin de lire et de réfléchir sur les signes de Dieu dans le Coran et dans l’univers pour bien orienter sa vie quotidienne. Elle lui résume le Coran dans son ensemble :

« Toute chose (ou affaire) sérieuse qui ne commence pas par bismillâh (au nom de Dieu) est amputée ».1

Une chose ou une affaire est comme « amputée » lorsqu’elle est déconnectée de la référence à Dieu. Par conséquent, nous perdons non seulement la barakah ou la bénédiction de Dieu, mais aussi la connaissance du monde et la sagesse dont nous avons besoin pour éclairer nos affaires quotidiennes. 

Lorsqu’en 1986, les américains ont lancé une navette spatiale, ils l’ont appelée « Challenger », la navette qui met au défi la loi de la gravité, les russes et le monde entier. Tout se passait comme si l’Amérique était en train de dire au monde entier : « Je lance cette navette spatiale grâce à mon intelligence et à ma puissance. Et je vous mets au défi d’en faire autant ». A ce moment-là, l’Amérique a oublié que Dieu n’a transmis à l’être humain qu’une connaissance limitée du monde :

« (…) Et on ne vous a donné que peu de connaissance ». 

Coran 17 : 85
وَمَا أُوتِيتُم مِّنَ الْعِلْمِ إِلَّا قَلِيلًا

Elle a oublié de dire : « Bismillâh ». Notre civilisation a besoin de dire : « Bismillâh », « Allahu Akbar » et « Allahu A’lam » » (« Au nom de Dieu », « Dieu est le plus Grand » et « Dieu est le plus Savant »). En disant bismillâh, nous nous donnons les moyens d’évaluer notre pensée, notre action et notre vie à la lumière de la sagesse du Coran.

Lorsque les prophètes David et Salomon, paix sur eux, ont reçu de Dieu la connaissance du monde et le pouvoir d’agir, ils ne se sont pas enorgueillis face aux hommes. Bien au contraire, ils ont été reconnaissants :

« Nous avons effectivement donné à David et à Salomon une part de Notre science et ils ont dit : ‘’Louange à Dieu qui nous a favorisés par rapport à beaucoup de Ses fidèles serviteurs !’’ Et quand Salomon a hérité de David, il a dit : ‘’Ô vous les gens !  Nous avons été initiés au langage des oiseaux, sans compter tous les autres bienfaits qui nous ont été donnés. C’est là vraiment une faveur
éclatante’’. Les armées de Salomon composées de jinns, d’hommes et d’oiseaux ont été rassemblées et placées en rangs devant lui »

Coran 27 : 15-17
وَلَقَدْ آتَيْنَا دَاوُودَ وَسُلَيْمَانَ عِلْمًا ۖ وَقَالَا الْحَمْدُ لِلَّهِ الَّذِي فَضَّلَنَا عَلَىٰ كَثِيرٍ مِّنْ عِبَادِهِ الْمُؤْمِنِينَ وَوَرِثَ سُلَيْمَانُ دَاوُودَ ۖ وَقَالَ يَا أَيُّهَا النَّاسُ عُلِّمْنَا مَنطِقَ الطَّيْرِ وَأُوتِينَا مِن كُلِّ شَيْءٍ إِنَّ هَٰذَا لَهُوَ الْفَضْلُ الْمُبِينُ
وَحُشِرَ لِسُلَيْمَانَ جُنُودُهُ مِنَ الْجِنِّ وَالْإِنسِ وَالطَّيْرِ فَهُمْ يُوزَعُونَ

Plus encore, Salomon a utilisé son pouvoir et sa connaissance du monde pour faire le bien et réduire le mal. Par exemple, lorsqu’il dirige ses troupes armées, il croise sur son chemin des fourmis qui s’alarment du danger de se faire écraser :

« Et lorsqu’elles sont arrivées à la vallée des fourmis, l’une de celles-ci s’est écriée : ‘’Ô fourmis ! Regagnez vos demeures de peur que Salomon et ses armées ne vous écrasent sans s’en apercevoir’’ ».

Coran 27 : 18
حَتَّىٰ إِذَا أَتَوْا عَلَىٰ وَادِ النَّمْلِ قَالَتْ نَمْلَةٌ يَا أَيُّهَا النَّمْلُ ادْخُلُوا مَسَاكِنَكُمْ لَا يَحْطِمَنَّكُمْ سُلَيْمَانُ وَجُنُودُهُ وَهُمْ لَا يَشْعُرُونَ

En effet, pour n’importe quel chef politique et militaire qui a entre ses mains un pouvoir extraordinaire, écraser les fourmis ou écraser les êtres les plus vulnérables n’est qu’un détail de l’histoire. Sacrifier les plus faibles pour augmenter sa force est une attitude injuste mais banale chez la plupart des dirigeants et de ceux qui aspirent à « réussir ». Mais ce qui guide Salomon, ce n’est pas la conscience de sa force mais le désir de plaire à Dieu, de Le remercier pour la force et les bienfaits qu’Il lui a donnés ; c’est le désir d’agir selon la sagesse que Dieu lui a enseignée :  

« Il a souri, amusé par ses propos et a dit : ‘’Permets-moi Seigneur, de Te remercier pour les bienfaits dont Tu nous as comblés, mon père, ma mère et moi-même. Et permets-moi de faire une bonne action que tu acceptes et par Ta miséricorde, fais-moi parmi Tes serviteurs vertueux’’ ».

Coran 27 : 19
فَتَبَسَّمَ ضَاحِكًا مِّن قَوْلِهَا وَقَالَ رَبِّ أَوْزِعْنِي أَنْ أَشْكُرَ نِعْمَتَكَ الَّتِي أَنْعَمْتَ عَلَيَّ وَعَلَىٰ وَالِدَيَّ وَأَنْ أَعْمَلَ صَالِحًا تَرْضَاهُ وَأَدْخِلْنِي بِرَحْمَتِكَ فِي عِبَادِكَ الصَّالِحِينَ

Lorsque Salomon adresse une lettre à la reine de Saba, il ne met pas en avant sa puissance et sa connaissance individuelle. Il s’adresse à elle « Bismillâh al-rahmân al-rahîm », dans une « noble lettre » ou une « lettre généreuse » dans laquelle la reine ressent de la bienveillance :

« La reine a dit : ‘’Ô notables ! Une noble lettre m’a été envoyée. Elle vient de Salomon ; et elle est : ‘’Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux’’ ».

Coran 27 : 29-30
قَالَتْ يَا أَيُّهَا الْمَلَأُ إِنِّي أُلْقِيَ إِلَيَّ كِتَابٌ كَرِيمٌ إِنَّهُ مِن سُلَيْمَانَ وَإِنَّهُ بِسْمِ اللَّهِ الرَّحْمَٰنِ الرَّحِيمِوَمَا أُوتِيتُم مِّنَ الْعِلْمِ إِلَّا قَلِيلًا

Malheureusement, les musulmans répètent « Bismillâh al-rahmân al-rahîm » mais ce ne sont plus que des mots qui ont perdu leur sens, qui n’interpellent plus leur cœur et leur esprit. La majorité des hommes sont partagés entre ceux qui vivent, pensent et agissent au nom d’un autre que Dieu, et ceux qui disent vivre au nom de Dieu mais qui ne savent pas ce qu’ils disent. Or, ce sont de vraies clés de compréhension du monde qui permettent à l’être humain de s’améliorer et de bien s’orienter dans la vie.

Chacun peut faire son examen de conscience et distinguer les intentions, les idées, les actions et les projets qu’il porte au nom de Dieu de ceux qu’il porte au nom d’autres choses. Dieu a donné à l’être humain al-âmânah, le dépôt de la liberté de choisir d’agir Bismillâh al-rahmân al-rahîm ou d’agir pour tout autre but, au nom d’un savoir ou d’un pouvoir individuel ou communautaire. La nature n’a pas ce dépôt, ce pouvoir de choisir entre le bien et le mal. Elle est dévouée à la volonté de Dieu qui la met à la disposition de l’être humain.

Lorsque nous approchons le monde et la nature avec Bismillâh al-rahmân al-rahîm, la Terre nous répond et se met à notre disposition. De même que lorsque nous voulons ouvrir notre téléphone, nous utilisons un mot de passe, pour entrer en dialogue avec la nature et pour pouvoir profiter de ses bienfaits, nous devons utiliser le bon « mot de passe ». Mais si nous approchons la nature avec le sentiment de suffisance que procure le pouvoir de la connaître et de la transformer, la nature se retourne contre nous. Ainsi, « Je ne viens pas vers toi pour te défier, te ‘’challenger’’. Je ne viens pas te soumettre à mon pouvoir ni te détruire. Je viens vers toi Bismillâh al-rahmân al-rahîm, ‘’Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux’’ ». 

La Terre, la nature, comme l’être humain, a reçu une Révélation sous la forme de lois universelles, de l’instinct et sous d’autres formes qui nous sont inconnues :

« Il a établi sept cieux en deux jours et Il a révélé à chaque ciel sa fonction. Nous avons décoré le ciel le plus proche de lampes (les étoiles) et de gardiens : tel est l’ordre établi par le Puissant, Celui qui sait ». 

Coran 41 : 12
فَقَضَاهُنَّ سَبْعَ سَمَاوَاتٍ فِي يَوْمَيْنِ وَأَوْحَىٰ فِي كُلِّ سَمَاءٍ أَمْرَهَا
وَزَيَّنَّ السَّمَاءَ الدُّنْيَا بِمَصَابِيحَ وَحِفْظًا ذَٰلِكَ تَقْدِيرُ الْعَزِيزِ الْعَلِيمِ

C’est cette Révélation qui pousse par exemple les abeilles à construire leur ruche ici ou là :

« Ton Seigneur a révélé à l’abeille : ‘’Prends ta demeure dans les montagnes, dans les arbres et dans ce que les hommes aménagent’’ ».

Coran 16 : 68
وَأَوْحَىٰ رَبُّكَ إِلَى النَّحْلِ أَنِ اتَّخِذِي مِنَ الْجِبَالِ بُيُوتًا وَمِنَ الشَّجَرِ وَمِمَّا يَعْرِشُونَ

La Terre est vivante, c’est une création de Dieu, en contact avec Dieu :

« Lorsque la Terre tremblera ; lorsque, mettant à nu ses entrailles, elle se videra, ‘’Qu’a-t-elle donc ?’’, étonné, l’homme s’interrogera. Ce jour-là, racontant son histoire, la Terre dira ce que son Seigneur lui révélera. Et, ce jour-là, les hommes sortiront de leurs tombes séparément, pour être confrontés à ce qu’ils faisaient quotidiennement. Quiconque aura alors fait le poids d’un atome de bien le verra et quiconque aura commis le poids d’un atome de mal le verra ».

Coran 99 : 1-8
إِذَا زُلْزِلَتِ الْأَرْضُ زِلْزَالَهَا
وَأَخْرَجَتِ الْأَرْضُ أَثْقَالَهَا
وَقَالَ الْإِنسَانُ مَا لَهَا
يَوْمَئِذٍ تُحَدِّثُ أَخْبَارَهَا
بِأَنَّ رَبَّكَ أَوْحَىٰ لَهَا
يَوْمَئِذٍ يَصْدُرُ النَّاسُ أَشْتَاتًا لِّيُرَوْا أَعْمَالَهُمْ
فَمَن يَعْمَلْ مِثْقَالَ ذَرَّةٍ خَيْرًا يَرَهُ
وَمَن يَعْمَلْ مِثْقَالَ ذَرَّةٍ شَرًّا يَرَهُ 

De même que Dieu a révélé et a inspiré à la nature la bonne façon de fonctionner dans l’écosystème de la vie, Il a révélé à l’être humain la bonne façon d’agir envers les autres, lui a inspiré la connaissance et la capacité de bien et de mal :

« Par l’âme et Celui qui l’a façonnée harmonieusement et qui lui a inspiré son immoralité et sa piété ».

Coran 91 : 7-8
وَنَفْسٍ وَمَا سَوَّاهَا فَأَلْهَمَهَا فُجُورَهَا وَتَقْوَاهَا

La clé pour comprendre la Terre et sa Révélation, c’est Bismillâh al-rahmân al-rahîm. Lorsque nous l’approchons au nom de Dieu, et que nous cultivons une relation juste et durable avec elle, elle nous ouvre ses portes et nous fait profiter de ses bienfaits. En ce sens, le prophète Muhammad (paix sur lui) n’était pas dans une relation de domination avec la Terre mais dans une relation d’amour :

« Uhud est une montagne qui nous aime et que nous aimons ».2

Cette relation de tendresse entre l’homme et la Terre fait qu’en retour, celle-ci lui donne le meilleur de ses fruits.

Mais si nous l’approchons en répétant une formule Bismillâh al-rahmân al-rahîm que nous ne comprenons pas, en étant distrait, en négligeant les signes qu’elle nous envoie, à l’image d’une personne qui, sans s’en rendre compte, utilise la mauvaise clé pour ouvrir sa porte, alors la Terre ne s’ouvre pas et ne donne pas l’accès à ses bienfaits :

« Si les habitants des cités avaient adhéré à Dieu et avaient été pieux, Nous leur aurions certainement accordé des bénédictions du ciel et de la terre. Mais ils ont crié au mensonge. Nous les avons donc sanctionnés à cause de leurs actions ». 

Coran 7 : 96
وَلَوْ أَنَّ أَهْلَ الْقُرَىٰ آمَنُوا وَاتَّقَوْا لَفَتَحْنَا عَلَيْهِم بَرَكَاتٍ مِّنَ السَّمَاءِ وَالْأَرْضِ وَلَٰكِن كَذَّبُوا فَأَخَذْنَاهُم بِمَا كَانُوا يَكْسِبُونَ

Si les êtres humains utilisaient la bonne clé « Bismillâh al-rahmân al-rahîm », et s’ils s’efforçaient de vivre selon la justice, alors la Terre leur offrirait en abondance al-barakah ou la bénédiction, al-khayr ou le bien, et al-tayyibât ou les bonnes choses qu’elle contient. Mais s’ils utilisent la mauvaise clé, s’ils sont dans une relation de défi et de domination, alors elle ne donnera pas tous ses bienfaits, ou alors elle donnera ses fruits de façon dégradée :

« Dans le bon pays, la végétation pousse avec la permission de son Seigneur, tandis que dans le mauvais pays, (la végétation) ne sort qu’insuffisamment et difficilement. Nous explicitons ainsi les signes pour que les gens se montrent reconnaissants »

Coran 7 : 58
وَالْبَلَدُ الطَّيِّبُ يَخْرُجُ نَبَاتُهُ بِإِذْنِ رَبِّهِ 
وَالَّذِي خَبُثَ لَا يَخْرُجُ إِلَّا نَكِدًا 
كَذَٰلِكَ نُصَرِّفُ الْآيَاتِ لِقَوْمٍ يَشْكُرُونَ

Les sciences de la nature, les industries et les technologies modernes cultivent une relation de domination avec la nature. Nous sommes entrés dans une relation de guerre Homme-Nature. Nous trouvons du plastique, du verre, des médicaments… dans la mer. Nous avons rendu les vaches folles. Les poules sont maltraitées et enfermées dans des cages, comme des prisonniers. Le climat est déréglé. Nous ne laissons plus les plantes, les animaux et les poissons…, se nourrir de ce dont ils ont besoin : nous les forçons à changer leur régime alimentaire. Au bout d’un temps, cela affecte leur nature ainsi que leur fonctionnement, et cela entraîne la crise écologique que nous vivons aujourd’hui. 

Pourtant, les plantes, les animaux et les poissons…, ce sont des créatures de Dieu. Dans la nature, les différentes espèces forment des « umum » (pluriel de ummah), c’est-à-dire des communautés, à l’image de la communauté humaine :

« Il n’est pas de bêtes sur la terre, pas d’oiseaux volant de leurs ailes qui ne forment, comme vous, des communautés (…) »

Coran 6 : 38
وَمَا مِن دَابَّةٍ فِي الْأَرْضِ وَلَا طَائِرٍ يَطِيرُ بِجَنَاحَيْهِ إِلَّا أُمَمٌ أَمْثَالُكُم 

Nous devons apprendre à comprendre ces communautés et à interagir avec elles dans le respect. Si nous maltraitons la nature, si nous cherchons à la dominer, elle se venge en rendant ses fruits peu nutritifs voire stériles, en diffusant des maladies ou en devenant destructrice :

« La corruption est apparue sur la terre et dans la mer à cause de ce que les gens ont fait de leurs propres mains, afin que Dieu leur fasse goûter une partie des conséquences de leurs actes. Peut-être reviendront-ils (vers la voie de la justice) ? »

Coran 30 : 41
ظَهَرَ الْفَسَادُ فِي الْبَرِّ وَالْبَحْرِ بِمَا كَسَبَتْ أَيْدِي النَّاسِ لِيُذِيقَهُم بَعْضَ الَّذِي عَمِلُوا لَعَلَّهُمْ يَرْجِعُونَ

S’il y a des désordres sur terre, dans les montagnes, dans les forêts et dans la mer…, qui en est responsable ? L’être humain, car parmi toutes les créatures visibles, lui seul a le pouvoir de choisir et de faire le bien et le mal. Si la relation de l’Homme à Dieu est mauvaise alors la relation de la Terre à l’Homme sera également mauvaise. Car la Terre est une création qui obéit à Dieu et avec sa permission, donne de ses fruits à l’Homme.

La crise écologique et les pandémies qui touchent notre monde actuel, c’est le prix que nous payons tous pour le manque de sens du Bien commun : nos sociétés sont bien trop occupées à exploiter la terre et la main d’œuvre, à maximiser leur bien-être à travers une surconsommation, ceci au profit de quelques actionnaires fortunés. Nous payons tous l’indifférence généralisée face aux injustices qui touchent les pays du Sud dont les ressources sont confisquées par le Nord, face aux personnes âgées abandonnées dans les maisons de retraite pour que les jeunes jouissent d’un épanouissement permanent, face aux enfants livrés à la tyrannie de la consommation et du divertissement, face aux services publics démantelés et de plus en plus privatisés, et face à la nature surexploitée… Tous ces problèmes sont liés à une crise générale du Bien commun.

A travers cette explication du premier signe de la sourate al-Fâtihah, « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux », nous nous introduisons à la méthode de compréhension du Coran par le Coran. Cette méthode s’appuie également sur la connaissance de l’exemple du prophète Muhammad et sur la connaissance du monde. Ce n’est pas une méthode symbolique, « ésotérique » ou « herméneutique » qui expliquerait le Coran comme ceci par exemple :

 Le secret du Coran se trouve dans al-Fâtihah. Et le secret de la sourate al-Fâtihah se trouve dans la basmalah. Et le secret de la basmalah se trouve dans la lettre B…

Nous devons refuser ce genre d’interprétation symbolique, spéculative ou « herméneutique » qui ne repose sur aucun fondement. Nous devons pratiquer l’explication du Coran par le Coran, en trouvant dans le Coran les moyens d’éclairer un signe, une idée ou une histoire du Coran.


Ce texte est un extrait du livre: Mohamed Oudihat, Les Clés du Coran, Shaykh Taha Jabir al-Alwani.

Notes

  1. Hadîth Abû Hurayra, rapporté par Abû Dâwûd.
  2. Hadîth Sahîh al-Bukhârî (2889) et Muslim (1365).

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