Dépolluer son esprit pour s’ouvrir au Coran


On entend beaucoup de commentaires sur le Coran : les uns le critiquent, les autres le défendent. Beaucoup se sont improvisés « exégètes », « interprètes », « islamologues », « théologiens » ou « critiques » d’un Texte qu’ils ont lu en pratiquant les mêmes erreurs méthodologiques que les terroristes qui prétendent tuer en son nom : ils lisent par petits bouts, en isolant une idée ou un concept de l’ensemble qui lui donne sens ; ils projettent les idées d’aujourd’hui sur les réalités d’hier ; ils rendent général ce qui n’est que particulier ; ils rendent purement historique ce qui a une portée universelle et actuelle ; ils confondent le discours musulman (de tel ou tel savant, imâm, politique ou homme de la rue) avec la Parole coranique, etc.

Bref, la cacophonie règne au sujet du Coran. Les grands concepts de l’islam ont été remplacés par des contre-sens qui font désormais partie de la culture générale de beaucoup de français. Ainsi, sharî’ah signifie « la loi qui ordonne de couper la main » ; l’islam signifie « la soumission qui exclut l’exercice de sa raison critique » ; jihâd signifie, au mieux, « forcer les non-musulmans à se convertir à l’islam », au pire, « terrorisme ». Les on-dit et le discours médiatique ont pris le monopole du discours sur le Coran. 

En fait, la cacophonie au sujet de la Parole de Dieu a toujours existé : lorsqu’un prophète vient à son peuple transmettre le Message divin, la majorité réagit par l’incompréhension, la confusion avec les croyances existantes, et par le rejet. Lorsqu’un prophète dit « Dieu », son peuple entend « idole » ; lorsqu’il dit « religion », il entend « la religion de nos ancêtres » ; lorsqu’il dit « justice », il entend « la défense des intérêts de la communauté », etc. 

La plupart des prophètes, des grands savants musulmans et des sages de l’humanité ont été confrontés à trois types de personnes et de courants sociaux : tout d’abord, les chefs religieux ou encore, les « marchands du Temple », qui utilisent la religion comme moyen d’augmenter leur fortune et leur pouvoir dans la société ; ensuite, les chefs politiques qui soit font taire la religion, soit l’instrumentalisent pour pouvoir pratiquer l’injustice en faisant taire toute opposition au nom de la religion ; et enfin, les gens ordinaires qui sont disposés à croire à tout discours séduisant, qui soutiennent passivement ou activement l’injustice. 

Tous les vrais prophètes, tous les vrais sages, tous les vrais amoureux de la sagesse (les philosophes), tous les vrais intellectuels de ce monde ont dû affronter l’hostilité de ces trois types de personnes et courants sociaux. Tous ont subi la pression sociale et politique pour « adapter » leur sagesse au désordre établi. Tous ont refusé et l’ont payé de leur carrière professionnelle, de leur liberté ou de leur vie. 

A titre d’exemple, le prophète Jésus (‘Isâ, paix sur lui) a subi la pression des religieux, des marchands du Temple, d’une partie des enfants d’Israël et des romains pour se faire discret, pour adapter le Message divin à la tradition, aux intérêts de la majorité ou des dominants. 

Ou encore Socrate, cet amoureux de la sagesse, qui s’est vu menacer de la peine de mort s’il n’arrêtait pas de critiquer les idoles et les injustices de la Cité grecque. Il accepta dignement de donner sa vie pour rester fidèle à la sagesse qui l’animait. 

Les exemples sont nombreux : depuis toujours, la sagesse, même la plus pacifique, a toujours été en conflit avec les marchands, avec les chefs religieux et politiques, ainsi qu’avec une partie des gens ordinaires.

Au nom de la Religion ou de la Science, de la Foi ou de la Raison, de Dieu ou de l’Homme, du Salut ou du Progrès, de l’Empire ou de la Démocratie, de la Sécurité ou de la Liberté, de la Civilisation ou de la Diversité, de l’Unité nationale ou de la Laïcité, de l’Amour ou de la Paix… : l’homme, de tous temps, est capable du pire en instrumentalisant les meilleures valeurs pour faire passer le mal pour le bien, l’injustice pour la justice, la colonisation pour une libération, la domination et l’humiliation d’une minorité pour de la sécurité, ou encore le terrorisme pour une « guerre sainte »… Changer de valeur, remplacer la Religion par la Science, la Foi par la Raison ou encore Dieu par l’Homme ne change rien à cette tendance humaine universelle à faire le mal et à instrumentaliser les plus belles valeurs pour embellir et justifier son entreprise criminelle. 

De même que l’homme est capable d’instrumentaliser la Bible ou le Coran, il est capable d’utiliser n’importe quel texte fondateur philosophique ou politique, n’importe quel concept (la Démocratie, la Laïcité, la République, la Liberté, la Diversité, le Marché…) pour justifier et pour maquiller ses injustices. Par exemple, au nom de « la défense de la liberté de la femme », on justifie l’humiliation des femmes musulmanes qui ont souhaité librement porter un voile, en imposant leur exclusion de l’école, de l’entreprise et de l’ensemble de l’espace public. 

De même, toutes les tendances politiques et philosophiques instrumentalisent à leur compte les grandes figures telles que Voltaire, Nietzsche, Gandhi, Nelson Mandela, Malcolm X, Malek Bennabi. Les héros de la révolution sont convertis – après leur mort – en moyen de censure et de conformité nationale. Les héros de la critique sont convertis en moyen de faire taire toute critique de l’injustice sociale.

Ainsi, le répertoire des valeurs, des personnalités et des textes ne manque pas à toute personne (de telle religion ou philosophie, athée, moderniste ou traditionaliste, socialiste ou libérale…) qui veut faire passer ses actes injustes pour une forme de justice et de libération : 

« Quand on leur dit : ‘’Ne semez pas la corruption sur Terre !’’. Ils disent : ‘’Certainement pas, nous sommes parmi ceux qui la réforment !’’. En fait, ce sont eux les corrupteurs, mais ils ne s’en rendent pas compte ».

Coran 2 : 11-12
وَإِذَا قِيلَ لَهُمْ لَا تُفْسِدُوا فِي الْأَرْضِ قَالُوا إِنَّمَا نَحْنُ مُصْلِحُونَ
أَلَا إِنَّهُمْ هُمُ الْمُفْسِدُونَ وَلَٰكِن لَّا يَشْعُرُونَ

Bref, la confusion règne : on réussit à faire dire aux valeurs, aux personnalités et aux textes les plus inspirants une chose et son contraire. Ceux qui les utilisent les détournent. C’est ce qui se passe aujourd’hui au sujet de l’islam, de ses idées, de ses valeurs et de ses textes.

En ce sens, la cacophonie règne au sujet du Coran. Et comme le dit le célèbre proverbe autrichien : « Il n’y a rien de plus amusant qu’une polémique autour d’un livre que personne n’a lu » ou encore, autour d’un livre qu’on lit aussi mal. Mais le contexte politique actuel se prête difficilement à un tel humour. Et puis, les questions que l’on pose au Coran sont trop sensibles pour ne pas les prendre au sérieux. 

Malgré tout, nous pouvons observer une grande vague de curiosité qui anime les français et les pousse à ouvrir le Coran. Est-ce le livre des arabes ? Est-ce un livre qui justifie les actes terroristes… ? Ou bien ce livre contient-il une sagesse universelle, bonne pour toute l’humanité ?

Les musulmans eux-mêmes sont animés d’une nouvelle soif de connaître car ils sentent combien leur compréhension de l’islam est biaisée par leur propre contexte géographique, historique, culturel et politique.

Il est temps de se dépolluer, de désapprendre ce qu’on croit connaître du Coran pour le comprendre de façon plus juste. Il est temps de se tourner vers le Coran avec courage, avec rigueur intellectuelle et avec méthode.

Pour répondre à cette soif de comprendre le Coran, le site internet islamactuel.org ne cherche pas à en proposer une « interprétation traditionnelle » ou « moderne ». Il vise plutôt à proposer une approche classique qu’on appelle « l’explication du Coran par le Coran » (تفسير القرآن بالقرآن). Cette approche consiste à comprendre une idée du Coran à la lumière d’une histoire, d’un exemple, d’une autre idée, d’une sourate ou d’un passage du Coran, sans se laisser distraire par les discours extérieurs au Coran. Elle intègre la Sunnah authentique comme un « Tafsîr ‘amalî du Coran » (une explication du Coran par la pratique, à travers l’exemple du prophète Muhammad, paix sur lui). Elle intègre également l’explication du Livre révélé (le Coran) par l’explication du monde créé (l’univers, la vie, la réalité, la société…), et réciproquement.

Comme Dieu est Un, comprendre le Coran, et comprendre le monde, c’est comprendre une seule et même réalité, une seule et même sagesse. Le Livre révélé – le Coran – de même que le Livre crée – l’univers –, ne souffre d’aucune incohérence ou contradiction. Ceci car Dieu est l’Auteur du Livre révélé et le Créateur de l’univers :

S’il existait dans le ciel et sur la terre des divinités autres que Dieu, la corruption y régnerait. Gloire à Dieu, Seigneur du Trône, bien au-dessus de ce qu’ils [Lui] attribuent.

Coran 2 : 21-22
لَوْ كَانَ فِيهِمَا آلِهَةٌ إِلَّا اللَّهُ لَفَسَدَتَا ۚ فَسُبْحَانَ اللَّهِ رَبِّ الْعَرْشِ عَمَّا يَصِفُونَ
« Ne méditent-ils donc pas sur le Coran ? S’il provenait d’un autre que Dieu, ils y auraient trouvé de nombreuses contradictions ! ». 

Coran 4 : 82
أَفَلَا يَتَدَبَّرُونَ الْقُرْآنَ ۚ وَلَوْ كَانَ مِنْ عِندِ غَيْرِ اللَّهِ لَوَجَدُوا فِيهِ اخْتِلَافًا كَثِيرًا

Parce que Dieu est parfait, aucune contradiction ne peut exister entre les Livres révélés ni entre les prophètes et messagers envoyés à l’humanité, ni entre le Coran et la Sunnah authentique qui montre comment le prophète Muhammad (paix sur lui) a fait marcher le Coran dans la vie quotidienne :

« C’est Lui (Dieu) qui a envoyé à des gens sans Livre un messager pris parmi eux qui leur récite Ses signes, les purifie et leur enseigne le Livre et la sagesse, alors qu’ils se trouvaient auparavant dans une erreur manifeste ».

Coran 62 : 2
هُوَ الَّذِي بَعَثَ فِي الْأُمِّيِّينَ رَسُولًا مِّنْهُمْ يَتْلُو عَلَيْهِمْ آيَاتِهِ وَيُزَكِّيهِمْ وَيُعَلِّمُهُمُ الْكِتَابَ وَالْحِكْمَةَ وَإِن كَانُوا مِن قَبْلُ لَفِي ضَلَالٍ مُّبِينٍ

L’explication du Coran par le Coran est une approche qui se distingue de celle dite « moderniste » ou « coraniste » qui fait dire au Coran ce qu’il ne dit pas. Elle se distingue de l’approche « individualiste » qui consiste à faire du « Coran à la carte », à confondre les j’aime/je déteste personnels avec « le Coran dit que », à confondre « ce qui me fait du bien » avec le Bien que le Coran invite chacun à concrétiser dans sa vie. Enfin, elle se distingue de l’approche qui se dit « salafi » qui fait l’erreur de confondre le patrimoine intellectuel musulman avec la sagesse du Coran.

Ces quatre approches sont en fait des formes de conformisme intellectuel. En effet, l’approche qui se dit « moderniste » ou « coraniste » est en fait un conformisme aveugle vis-à-vis de la tradition d’aujourd’hui, la modernité. Elle parle de « la science », de « l’Histoire » et des « sciences humaines » comme de sources sacrées, comme de dieux infaillibles. L’approche qui fait du « Coran à la carte » est en fait le conformisme à ses désirs et à ses passions les plus contradictoires. L’approche qui se dit « salafi » est dans un conformisme aveugle vis-à-vis de la tradition musulmane passée. 

L’explication du Coran par le Coran est une approche qui permet de prendre de la distance et d’exercer son jugement critique vis-à-vis de toute tradition, passée ou moderne, et de ses passions personnelles, pour progresser de façon modeste et optimiste, vers une connaissance plus juste de la vie et de la sagesse.

Elle vise à aider toute personne désireuse de comprendre la sagesse du Coran, à entrer dialoguer avec lui de façon sincère et méthodique. 

Bienvenue à toi sur ce site pour dépolluer le cœur et l’esprit, pour comprendre la sagesse et tenter de la faire entrer dans la vraie vie.



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a.abdelkarim

Salam alaykoum
Très bonne initiative et très bon conseil que celui de se dépolluer l’esprit pour lire et mieux comprendre le Coran….on projette trop souvent nos croyances, nos clichés (sur le beau, le juste, le vrai) et on juge parfois ce qu’on lit à partir de ces repères (trés mouvants d’une époque à l’autre)…

Abdela Abdel

Oui en effet. Pollution et intoxication vont pair.