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De l’amour : Ce que l’islam a d’essentiel à dire à notre temps

De l’amour : Ce que l’islam a d’essentiel à dire à notre temps

Introduction : L’amour à l’épreuve de la modernité

En ce début du XXIᵉ siècle, nous assistons à un paradoxe troublant : jamais l’amour n’a été aussi célébré dans nos discours, nos films, nos chansons, et pourtant, jamais les couples n’ont été aussi fragiles. Un couple marié sur deux finit par divorcer après six ans en moyenne dans les grandes métropoles occidentales. Le célibat se généralise, la solitude affective se propage, et les relations deviennent de plus en plus éphémères.

Face à cette crise du couple, Mohamed Oudihat propose dans son ouvrage De l’amour : Ce que l’islam a d’essentiel à dire à notre temps[1]  une réflexion profonde sur les causes de cette fragilité et explore comment la sagesse islamique peut offrir des clés pour construire un amour durable. Loin d’être un simple manuel religieux, ce livre s’inscrit dans une réflexion universelle sur l’amour, le couple et la famille, s’appuyant sur des analyses sociologiques contemporaines et des enseignements spirituels millénaires.

Cet article examine les thèses principales de l’ouvrage et leur actualité face aux défis contemporains du couple, de la famille et de l’amour.

1. Le diagnostic : Pourquoi l’amour moderne ne dure plus

1.1. La promesse non tenue de l’amour moderne

Nous cherchons tous l’amour, persuadés qu’il mène au bonheur conjugal. Les sociétés occidentales ont expérimenté pendant près de 50 ans une « théorie de l’amour » fondée sur une équation simple :

Amour + Liberté + Écoute de soi + Réalisation de soi + Sexe + Communication + Psychologie = Plus de Bonheur dans le couple

Pourtant, l’observation des grandes métropoles modernes révèle une réalité troublante : cette équation n’a pas tenu ses promesses. Paris, ville réputée romantique, connaît un taux de divorce historique. Cette situation a mené à la généralisation des « princes à la semaine », ces couples qui vivent un amour intense mais éphémère, prouvant que l’amour et la liberté ne suffisent pas à garantir la pérennité du couple.

1.2. Les véritables causes du divorce généralisé

Le taux historique de ruptures s’explique moins par des « explications magiques » (comme la belle-mère, le manque d’amour initial, ou l’absence d’expériences sexuelles) que par des causes structurelles liées aux valeurs modernes. Les principales causes de divorce aujourd’hui sont directement liées aux deux valeurs centrales de l’individu moderne :

  • La recherche systématique de réalisation personnelle
  • Le désir d’indépendance personnelle

Ces valeurs, qui animent un « individualisme » triomphant, se transforment en « contradictions normatives » et en conflits intimes. Le couple moderne, libéré des contraintes sociales traditionnelles, est désormais « à la merci des poussées volcaniques du désir d’indépendance et de réalisation de soi ». Lorsque la réalisation personnelle devient la boussole, le couple n’est plus qu’un moyen pour s’accomplir, et s’il frustre ce désir, la séparation s’impose.

1.3. L’amour jetable : symptôme d’une société de consommation

Le coût humain de ces valeurs est élevé : solitude, célibat généralisé, précarité affective et multiplication des ruptures. L’idéal moderne du couple conduit à un « amour jetable » où le couple est une « île en liaison maritime permanente avec d’autres îles possibles ». Nous vivons dans une « société de consommation » où l’on jette les humains comme on jette les téléphones, dès que le sentiment disparaît ou que la lassitude s’installe.

Actualité du diagnostic : En 2025, les statistiques confirment cette tendance. Les applications de rencontre se multiplient, promettant de faciliter les rencontres, mais paradoxalement, jamais notre société n’a compté autant de célibataires. La phobie de l’engagement s’est largement répandue, particulièrement chez les hommes, se manifestant par une « incapacité à réconcilier les émotions avec la volonté de s’engager ».

2. La sagesse islamique : Cinq clés pour comprendre l’amour

Face à cette crise, l’islam propose une vision alternative de l’amour, fondée sur des principes à la fois spirituels et universels. Le Coran offre cinq grandes clés pour bien comprendre et cultiver l’amour entre un homme et une femme.

2.1. L’amour comme loi universelle (qānūn al-zawjīyah)

L’amour est un état intérieur universel, inscrit dans la nature humaine. En arabe, le terme al-ḥubb (amour) partage sa racine avec ḥabbah qui signifie « graine ». Cette graine agit comme un aimant poussant l’homme et la femme à faire couple.

Dieu a créé toute chose selon cette loi universelle du couple, qānūn al-zawjīyah, de sorte que tout existe par zawj, par paire :

« De chaque chose Nous avons créé un couple. Peut-être réfléchirez-vous ? » (Coran 51:49)

وَمِن كُلِّ شَىْءٍ خَلَقْنَا زَوْجَيْنِ لَعَلَّكُمْ تَذَكَّرُونَ

Cette loi du couple régit l’univers, des particules aux étoiles. Le mariage (al-zawāj) est la suite naturelle de cet amour, car al-zawāj partage la même racine que al-zawj (le couple). En s’unissant par le mariage, l’homme et la femme rejoignent l’ordre universel.

2.2. L’amour comme Maison (sakan)

Dieu a planté dans le cœur de chaque homme et de chaque femme al-mawaddah (amour, bonté) et al-raḥmah (tendresse, miséricorde). La finalité du couple est d’être une Maison, un sakan, l’un pour l’autre. Être un sakan, c’est protéger l’autre, lui offrir un espace où il goûtera à l’amour, à la paix, à la sécurité et à l’espérance.

« Parmi Ses signes Il a créé de vous-mêmes, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté. Il y a en cela des signes pour des gens qui réfléchissent. » (Coran 30:21-22)

وَمِنْ آيَاتِهِ أَنْ خَلَقَ لَكُم مِّنْ أَنفُسِكُمْ أَزْوَاجًا لِّتَسْكُنُوا إِلَيْهَا وَجَعَلَ بَيْنَكُم مَّوَدَّةً وَرَحْمَةً

Le couple est une Maison lorsque ses membres s’efforcent d’agir avec justice (al-qisṭ), vérité (al-ḥaqq), et beauté (al-jamāl). Être une Maison, c’est également patienter et honorer ses devoirs, indépendamment des variations des sentiments.

2.3. L’amour comme Vêtement (libās)

Le Coran rappelle que l’homme et la femme sont un Vêtement, un libās, l’un pour l’autre. Ce Vêtement apporte chaleur, tendresse, apaisement, protection, intimité et plaisir.

« Elles sont un Vêtement pour vous et vous êtes un Vêtement pour elles. » (Coran 2:187)

هُنَّ لِبَاسٌ لَّكُمْ وَأَنتُمْ لِبَاسٌ لَّهُنَّ

Le Vêtement protège l’autre dans sa vulnérabilité, embellit et met en valeur sa beauté, et cache ses défauts. Devenir un Vêtement pour l’autre et devenir pieux sont un seul et même chemin.

2.4. L’amour comme Aile (junāḥ)

L’amour est une Aile (junāḥ) qui couvre l’autre, lui permettant de trouver la force de dépasser les épreuves de la vie. Chaque partenaire est appelé à donner des ailes à l’autre en l’encourageant par un regard bienveillant, des paroles stimulantes et l’exemplarité.

2.5. L’amour comme art de cultiver les meilleurs sentiments

L’amour est composé de différents états intérieurs. Le sentiment amoureux est comparé au vent (al-hawā) qui souffle dans le cœur : si l’on ne peut commander le vent, on peut orienter les voiles, c’est-à-dire maîtriser ses désirs et ses pulsions. L’islam est une sagesse qui vise à « civiliser » l’Homme, en sublimant les pulsions et en sculptant sa moralité.

« Et pour celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion, le Paradis sera alors son refuge. » (Coran 79:40-41)

وَأَمَّا مَنْ خَافَ مَقَامَ رَبِّهِ وَنَهَى النَّفْسَ عَنِ الْهَوَىٰ فَإِنَّ الْجَنَّةَ هِيَ الْمَأْوَىٰ

3. Construire un amour durable : Mode d’emploi pratique

3.1. Les quatre marches de l’amour véritable

Aimer et progresser dans l’amour est un processus en quatre marches. La culture moderne s’arrête majoritairement aux deux premières, cultivant le sentiment amoureux (intense mais instable) plutôt que l’amour vrai.

Marche 1 : « Je t’aime = je t’utilise »

C’est l’amour de soi dans le couple. L’autre est pris comme un moyen, un « jouet » ou une « bouée de sauvetage » pour satisfaire des besoins égoïstes. Cet amour est une contrefaçon qui met la vie en désordre.

Marche 2 : « Je t’aime = je t’idéalise »

C’est aimer une image idéale de l’autre que l’on confond avec la réalité. On cherche la « fusion totale » et le « bonheur total ». La chute inévitable mène à la désillusion et à l’errance vers un autre « grand Amour ». L’amour a ici l’effet d’une drogue qui rend aveugle.

Marche 3 : « Je t’aime = je veux ton bien »

L’amour vrai commence ici. C’est aimer son partenaire pour lui-même, en acceptant sa vérité, avec ses qualités et ses défauts. C’est vouloir le bien de l’autre et s’engager à être l’instrument de son accomplissement.

« Nul d’entre vous ne porte véritablement la foi tant qu’il n’aime pas pour son frère ce qu’il aime pour lui-même. » (Hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim)

Marche 4 : « Je t’aime = je t’aime pour Dieu »

C’est l’étape de l’amour de Dieu à travers le couple. On cherche à plaire à Dieu dans le quotidien, en étant une Maison, un Vêtement et une Aile pour son partenaire, indépendamment de la météo émotionnelle. Cet amour vrai est une « flamme qui s’allume progressivement avec le temps ».

3.2. Construire « à l’endroit » : l’ordre chronologique et moral

Construire un couple durable nécessite de suivre un ordre, comme fabriquer une pièce montée « à l’endroit ». La méthode moderne fabrique souvent cette pièce « dans le désordre » en commençant par la cerise sur le gâteau (la sexualité), conduisant à l’échec car « si le corps va plus vite que le cœur et que l’intelligence, alors on s’abîme et on abîme l’autre ».

Construire « à l’endroit » implique de commencer par :

  • La maîtrise de soi : apprendre à se dire « Non ! » à ses désirs
  • Le projet commun : définir clairement vision de la vie, éducation des enfants, gestion des conflits, équilibre famille-travail
  • L’engagement : avant l’intimité physique complète

L’amour durable est un « fleuve relié à plus vaste que soi ». Contrairement à la vision moderne qui isole le couple, l’amour sain n’oublie pas les responsabilités extérieures : la famille élargie, les amis, le travail et la société « ont des droits sur le couple ».

3.3. Les cinq langages de l’amour : un romantisme au quotidien

Le romantisme dans l’islam n’est pas une marchandisation de l’amour, mais l’art de cultiver la « graine » au quotidien. On peut exprimer son amour à travers cinq langages :

  • Les mots que l’on exprime : paroles douces qui font du bien
  • Le temps que l’on passe ensemble : converser, rire, partager des activités
  • Les services que l’on rend : aider aux tâches quotidiennes
  • Le langage corporel : gestes, sourires, regard, intimité
  • Les cadeaux que l’on offre : « Offrez-vous des cadeaux, ainsi vous vous aimerez ! »

Une grande partie des tensions survient lorsque les partenaires n’utilisent pas ou ne décodent pas le même langage de l’amour.

4. Défis contemporains et réponses islamiques

4.1. La phobie de l’engagement chez les hommes

Actualité 2025 : La « phobie de l’engagement » s’est largement répandue chez les hommes, se manifestant par une résistance systématique aux tentatives des femmes visant une relation à long terme. Plusieurs facteurs culturels l’expliquent :

  • La consommation et l’abondance du choix : l’abondance illimitée sur Internet « entrave la capacité à s’engager dans une relation unique »
  • La maximisation du bien-être : l’anticipation du regret de « rater de meilleures opportunités »
  • L’introspection émotionnelle permanente : l’exercice constant d’écoute de soi crée une incertitude permanente
  • L’engagement comme vérité de l’instant : « Je t’aime aujourd’hui, jusqu’à nouvel ordre »

La liberté moderne a conduit à « l’incapacité de faire un choix, voire au manque de désir de le faire ».

4.2. Le célibat généralisé : un choix ou une contrainte ?

Malgré la multiplication des occasions de rencontre (sites, réseaux sociaux), le célibat se généralise. Les raisons principales incluent :

  • L’idéal du Prince charmant : un idéal élevé rend difficile l’acceptation de la personne réelle
  • Trop de sexe, trop tôt : l’expérimentation précoce habitue le corps à des relations jetables
  • La carapace : le besoin de paraître heureux et inaccessible finit par intimider
  • L’effet système du “marché” du couple : l’augmentation du niveau d’éducation des femmes et la phobie de l’engagement chez les hommes limitent les options

4.3. Les sites de rencontres : solution ou problème ?

Actualité : En 2025, les applications de rencontre dominent le marché des relations. Pourtant, contrairement à leur promesse, elles sont paradoxalement moins efficaces pour aboutir au mariage que les moyens classiques. Leurs effets secondaires pervers incluent :

  • La généralisation du célibat malgré l’abondance de profils
  • La maximisation du choix créant l’incapacité à se décider
  • Le cynisme et la lassitude (le « petit numéro de vendeuse »)
  • Le décalage entre le profil idéalisé et la personne réelle

5. Peut-on aimer sans se lasser ?

5.1. Les saisons de l’amour

L’amour, comme la nature, connaît ses saisons. Reconnaître et accepter ces cycles permet de préserver le couple :

  • Le printemps de l’amour : le sentiment amoureux pousse
  • L’été de l’amour : l’amour est intense et permanent
  • L’automne de l’amour : l’intensité diminue, place à l’amitié et la tendresse
  • L’hiver de l’amour : besoin de solitude positive, de méditation

La trop forte proximité du couple moderne, en cherchant à fuir la lassitude, mène paradoxalement à l’agacement. Il est crucial de cultiver une « bonne distance » pour préserver le plaisir de se retrouver.

5.2. Le « service minimum » : aimer par l’action

Si le sentiment amoureux s’estompe, il ne faut pas se soumettre à la lassitude, mais continuer à assurer le « service minimum » de la vie à deux. Un homme de foi est appelé à traiter sa femme « avec dignité », même s’il ne l’aime plus dans le sens de l’attirance. L’amour renaît souvent lorsque l’on s’efforce d’aimer, car « les couples qui marchent, ce sont ceux qui font marcher ».

6. Tradition, modernité et islam : où se situer ?

6.1. Le faux débat : tradition versus modernité

Il existe un affrontement entre le discours traditionaliste (« Avant, c’était mieux ! ») et le discours moderniste (qui blâme le patriarcat). Pourtant, aujourd’hui, nous vivons dans une société moderne où les liens du couple sont devenus « liquides ». La tradition n’est plus qu’une réalité marginale.

« Si hier on souffrait des épidémies de la peste (le poids de la tradition), aujourd’hui, on souffre du cancer à l’échelle mondiale (la destruction de la famille et l’amour jetable). »

La majorité des ruptures est causée par des raisons « modernes » : individualisme, désir d’indépendance et réalisation personnelle au détriment du bien commun.

6.2. L’islam : actuel sans être « moderne »

L’islam ne soutient ni la tradition qui normalise l’injustice ni l’amour moderne qui déconnecte le sexe, l’amour et le mariage. L’islam est « actuel sans être moderne ».

L’injonction moderne à « vivre avec son temps » peut conduire à un conformisme aveugle. L’islam invite chaque homme et femme à être un Khalīfah (successeur) de Dieu sur terre, chargé de réaliser le vrai, le bien commun et le juste. Être Khalīfah, c’est refuser de vivre comme une Feuille emportée par les vents (modes, pressions).

Le Coran interdit le conformisme aux anciens. De même, se conformer aveuglément à la tradition moderne est une nouvelle forme de fatalisme. Il est essentiel de faire le tri sélectif dans la modernité.

Le défi est de ne pas vivre avec son temps, mais avec le meilleur de son temps, en résistant au pire.

6.3. Vivre comme un Arbre, pas comme une Feuille

L’islam appelle à vivre comme un Arbre qui prend du sol tout ce qui est bon (sagesses du passé et du présent), le digère et le transforme en fruits. L’idéal d’amour moderne a promis le bonheur par l’indépendance, mais les conséquences sont le divorce généralisé et la solitude.

7. Quand l’amour blesse : guérison et transformation

7.1. L’amour comme épreuve

Lorsqu’on est blessé par l’amour, on peut s’isoler, chercher vengeance, ou multiplier les relations jetables. La première étape de la guérison est de sortir de l’illusion que notre souffrance est unique.

Le Coran est une « source de guérison pour ce qui se trouve dans les cœurs ». L’amour est une épreuve (ibtilāʾ), un instrument par lequel Dieu teste la moralité, la fidélité au vrai, au bien commun et au juste.

« On a enjolivé aux gens l’amour des choses qu’ils désirent : femmes, enfants, trésors d’or et d’argent… tout cela est l’objet de jouissance pour la vie présente, alors que c’est près de Dieu qu’il y a bon retour. » (Coran 3:14)

زُيِّنَ لِلنَّاسِ حُبُّ ٱلشَّهَوَٰتِ مِنَ ٱلنِّسَآءِ وَٱلْبَنِينَ وَٱلْقَنَٰطِيرِ ٱلْمُقَنطَرَةِ مِنَ ٱلذَّهَبِ وَٱلْفِضَّةِ

7.2. Le chemin de la guérison

Pour guérir, il faut accepter de se laisser « tailler par les coups de la vie ». Une personne blessée doit se hisser au-delà de sa douleur immédiate, ce qui exige de sortir de sa prison individuelle et de voyager (à travers la sagesse des aînés, l’histoire, la nature) pour « réapprendre à voir avec son cœur ».

Il est vital de refuser le désespoir, qui est une maladie du cœur. Il est insensé de « haïr toutes les roses parce qu’une épine vous a piqué ». La guérison passe par la multiplication des bonnes actions et le don de soi, même dans la difficulté.

« La quête de l’amour nous transforme. Tous ceux qui cherchent l’Amour ont mûri sur le chemin. » (Shams Tabrizi)

8. Comment trouver la force d’être différent ?

8.1. Le courage de la différence

Aller à contre-courant des idéologies dominantes est éprouvant. L’amour moderne est comparé à un feu qui attire les papillons : malgré l’appel à s’éloigner du feu qui brûle, les gens s’y précipitent par automatisme.

« Un homme allume un feu, et lorsque celui-ci a illuminé ce qu’il y a autour de lui, les papillons et ces autres petites bêtes s’y précipitent. L’homme se met à les écarter du feu, mais ils le contournent et s’y précipitent encore. » (Hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim)

Il faut du courage pour refuser la lumière illusoire de la majorité. Le courage, c’est de supporter sa différence malgré l’indifférence ou l’opposition des autres.

« Fais preuve de patience avec ceux qui invoquent leur Seigneur matin et soir, désirant Sa Face. Et que tes yeux ne se détachent pas d’eux, en cherchant le faux brillant de la vie sur terre. Et ne suis pas celui dont nous avons rendu le cœur inattentif à Notre rappel, qui suit ses passions et dont la vie n’est qu’excès. » (Coran 18:28)

وَٱصْبِرْ نَفْسَكَ مَعَ ٱلَّذِينَ يَدْعُونَ رَبَّهُم بِٱلْغَدَوٰةِ وَٱلْعَشِىِّ يُرِيدُونَ وَجْهَهُۥ

8.2. Être un « guerrier de la lumière »

Être fidèle à Dieu, c’est s’efforcer de mettre en cohérence son cœur, sa langue et sa main. C’est en vivant comme un « guerrier de la lumière » qui permet à ses rêves d’envahir sa routine, que l’on trouve la force de fusionner ses deux vies (celle que l’on subit et celle que l’on désire).

Conclusion : L’amour comme révolution intérieure

En ce XXIᵉ siècle, le couple est le lieu d’un grand jihād (effort, combat intérieur) contre les « idoles de notre temps » : le relativisme moral, l’amour sans engagement, et l’hyperfocalisation sur le moi et ses émotions. Ces idoles, notamment l’indépendance et l’épanouissement personnels, sont incompatibles avec la formation d’un couple durable.

La souffrance des jeunes face à l’amour jetable est saine, car elle révèle un malaise social et contient l’espérance d’un monde meilleur. Le livre appelle à replanter d’autres valeurs supérieures dans nos cœurs. Le terme arabe al-qīmah (valeur) est de la même racine que qāma (se mettre debout). La valeur est ce qui fait tenir un homme debout, lui donne une direction.

« L’expérience nous montre qu’aimer ce n’est point nous regarder l’un l’autre mais regarder ensemble dans la même direction. » (Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes)

Regarder ensemble dans la même direction, c’est avoir une vision commune, en se laissant travailler par la sagesse de Dieu et de Son Tawḥīd (Unicité). Servir sa femme, c’est servir Dieu, mais cela ne signifie pas démissionner de tout engagement social ; la finalité de la Maison familiale est de servir la Maison commune, la société.

L’idéal est de devenir un « Coran marchant », une personne qui s’efforce d’être exemplaire dans tous les petits gestes du quotidien. L’amour durable exige un « exercice patient et diligent ». Notre responsabilité est de transformer le monde en devenant soi-même « le changement qu’on veut pour les autres ».

Bibliographie

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[1] Cet article est une synthèse de Oudihat, Mohamed. De l’amour : Ce que l’islam a d’essentiel à dire à notre temps. Paris : al Bouraq, 2018.