Al-Faruqi, Le Tawhîd : comment entrer dans l’histoire?



  • Quel est le sens de l’Histoire ?

Quelle est notre raison d’être sur terre ? Et par conséquent, quels sont notre place et notre rôle dans l’Histoire ?

La place de départ est très différente d’une personne et d’une communauté à une autre. On peut naître du côté du dominé ou du dominant ; dans une famille très modeste ou au contraire, très riche ; dans une tradition islamique ou dans une autre religion…

Par exemple, en tant que moderne, on se projette dans l’Histoire pour « devenir maître et possesseur de toute chose » et pour dominer l’autre. On se voit comme le seul acteur sur la scène de l’Histoire, les autres ne sont plus que nos moyens : nos moyens de nous développer et d’assurer notre bien-être. La morale et la culture ne sont plus que des moyens de légitimer ce rôle historique.

En France, en tant que musulman de tradition africaine ou maghrébine, comment on se projette dans l’Histoire ? On est un peu coincé, on a du mal à se reconnaître dans l’Histoire vue par la France car celle-ci a tendance à valoriser la colonisation des pays d’origine et la domination des français musulmans. On a tendance à se projeter comme un dominé qui subit l’injustice à l’école, au travail, dans les médias et dans le champ politique. Alors on se projette dans l’Histoire comme un marginal qui accepte la fatalité, son destin, qui cherche à se faire « discret », qui vit comme un « passager clandestin » qui a quelque chose à se reprocher.

Ou alors, on se projette dans l’Histoire comme un acteur qui conteste la place et la limite qu’on lui a imposées. On a alors tendance à chercher à « se faire respecter », à « rattraper le retard », à « réussir sur le plan universitaire et professionnel », à « prendre l’escalier lorsque l’ascenseur est en panne », à « accélérer » ou à « booster » sa vie. Ainsi, on s’engage dans l’Histoire moderne à fond dans une stratégie d’accélération ou d’ascension socio-économique, simplement pour montrer qu’on est « normal ». Tout ça pour ça. Toutes les histoires qu’on entend à la télé, de musulmans qui ont réussi au sport, dans la musique ou la politique, se résument à l’histoire du musulman qui a « réussi » à prouver sa normalité par l’atteinte d’une performance publique.

En tant que musulman converti, comment on se projette dans l’Histoire ? On ne se reconnaît pas du tout dans cette obsession de la lutte socio-économique et de la réussite qui anime le musulman de tradition africaine et maghrébine. Comme on a été gavé de « réussite », on recherche « autre chose », « la spiritualité », la « décélération », la « slow life ». Et quand on s’engage dans l’Histoire, on ne cherche plus qu’à « se sentir bien » à « se concentrer sur soi », « à apprendre sa religion et la langue arabe »… Quand on est converti, on ne se sent pas toujours légitime et pas responsable d’apporter son intelligence et ses talents pour porter des projets socialement utiles, à la lumière de la sagesse que l’islam vient nous rappeler.

Ainsi, que l’on soit musulman de tradition africaine, maghrébine ou française, on se projette dans l’Histoire d’une diversité de façons, en recherchant soit « la réussite » soit « la spiritualité ». Mais l’islam a-t-il été révélé pour inviter les gens à « réussir » et à s’occuper de leur « spiritualité » ? N’a-t-on pas tendance à entrer dans l’Histoire selon une voie matérialiste et individualiste ?

Le Tawhîd, en tant que vérité sur le monde, initie chaque être humain à prendre sa juste place dans l’Histoire pour réaliser la volonté de Dieu.

  • On entre dans l’Histoire en posant une intention

Avoir une bonne intention est la condition pour que l’action soit bonne au regard de Dieu. Avoir une bonne intention, c’est choisir, parmi toutes les valeurs possibles, celle qui est bonne ou meilleure.

L’éthique de l’intention est le prérequis de l’éthique de l’action. Autrement dit, je dois travailler à purifier mon intention pour réaliser la volonté de Dieu.

L’éthique de l’intention nous appelle à mener ce travail de purification de son intention, de ses désirs, de ses rêves, de ses projections personnelles ou socioculturelles.

Prenons un exemple de projection socioculturelle : une société qui veut en « civiliser » une autre doit bien vérifier la pureté de son projet. Car dominer, coloniser, s’approprier les ressources matérielles et humaines d’une autre société n’est pas la civiliser…

En insistant sur l’importance d’avoir une bonne intention, l’islam évite à l’être humain le risque de tomber dans des règles qui n’ont plus aucun sens ; dans des gestes mécaniques et irréfléchis ; bref, dans une forme de conformisme aveugle.

  • On entre dans l’Histoire en posant une action

Avoir une bonne intention dans tout ce que l’on fait, ce n’est pas suffisant pour entrer au paradis. Car le mal se cache souvent derrière le bien. Ici, le mal se cache même derrière la bonne intention, derrière l’humilité et la modestie. Il peut prendre la forme de la paresse, de la lâcheté, du manque de réflexion et d’effort pour aller plus loin que l’intention. C’est pourquoi, d’ailleurs, le prophète Muhammad (paix sur lui) nous encourage à prier Dieu selon cette formule :

« Ô mon Dieu ! Je me mets sous Ta protection contre les soucis et la tristesse, contre l’incapacité et la paresse, contre l’avarice et la lâcheté, contre le poids de la dette et la domination des hommes »

Hadîth rapporté par al-Bukhârî, Sahîh n°6369.

Tous les jours, l’islam nous invite à prier Dieu pour Lui demander de nous aider à aller au-delà de la bonne intention, pour être effectivement parmi les gens qui s’orientent selon la justice et la sagesse.

Car l’être humain ne peut pas se cacher derrière sa bonne intention tout en restant indifférent face à l’injustice qui se passe autour de lui.

Adhérer au Tawhîd, c’est accepter d’évaluer sa valeur personnelle selon non pas sa réussite sociale ou sa seule bonne intention, mais selon sa capacité à changer le monde et à le rendre meilleur. Dieu est grand, la terre est notre maison. Il faut de l’audace pour entrer dans l’Histoire et la transformer.

En adhérant au Tawhîd, on s’engage à se transformer soi-même – ses intentions, ses pensées, ses projets, ses actions personnelles – et à transformer le monde pour le rendre meilleur. On s’engage à devenir l’instrument par lequel la volonté de Dieu va se réaliser dans l’Histoire et dans la société.

Tazkiyah al-nafs ou la purification morale et intellectuelle de ce qu’il y a dans son cœur, dans sa façon de comprendre et d’agir, est une activité à mener en parallèle à al-’umrân, à l’activité de transformation du monde en une civilisation joyeuse et juste.

Plus une personne réussit à transformer le monde dont elle fait partie – par ses idées, par sa parole ou par ses actes –, plus elle a de la valeur au regard de Dieu. Plus elle réussit à perturber le cours de l’Histoire pour que les choses ne se passent pas selon la fatalité de la loi du plus fort mais selon la justice, plus elle augmente sa valeur morale au regard de Dieu.

En effet, elle augmente sa valeur au regard de Dieu à mesure qu’elle accepte d’entrer dans l’arène de l’Histoire pour stopper une injustice et pour servir le Bien.

En insistant sur l’importance de se transformer et de transformer le monde, l’islam évite à l’être humain le risque de tomber dans une vie individualiste, socialement isolée, centrée sur soi-même et sur sa « spiritualité » ou son bien-être…

L’islam n’appelle pas l’homme à faire simplement des prières, à purifier ses intentions, à se changer lui-même, et à regarder l’histoire se faire à partir de son écran télévisé ou de sa tablette numérique. L’homme ne doit pas se vivre comme un spectateur qui observe des forces socio-politiques (les comploteurs occultes, les pouvoirs dominants…) ou invisibles (les jinns, le Mahdi, etc.) faire l’histoire tandis que lui, il se pense comme simple victime de ce qui se passe.

L’homme ne doit pas mener une vie monastique, s’isoler de la société, à moins que cela ne soit une étape provisoire pour s’exercer à se discipliner et à se maîtriser. Mais si cet isolement provisoire ne conduit pas à une plus grande capacité à transformer le monde, alors il ne devient plus qu’une forme d’égocentrisme immoral. Car la transformation de soi n’est pas une fin en soi mais un moyen, une préparation à la transformation du monde.

Car toutes les solitudes, toutes les façons de s’isoler et de travailler sur soi ne se valent pas. Certaines sont un signe d’indifférence face à l’injustice, de paresse, de lâcheté et d’égoïsme. Tandis que d’autres sont le signe d’un effort d’amélioration de soi au service de l’amélioration du monde. 

D’ailleurs, toutes les religions et les philosophies de vie invitent à se transformer soi-même et à transformer le monde. Mais elles n’invitent pas au même idéal, aux mêmes valeurs et idées directrices, ni aux mêmes priorités. Toutes n’invitent pas à la même définition de la responsabilité : certaines ont une vision ethnique, communautariste, nationaliste ou raciale de la responsabilité. Elles poussent à se sentir responsables de ceux qui nous ressemblent à traiter les autres comme des ennemis. Toutes n’invitent pas à la même façon d’agir avec la nature : certaines poussent l’Homme à en avoir peur ; d’autres le pousse à la maîtriser, à l’exploiter, à la dominer sans limite, sans respect, sans sagesse, etc.

Par exemple, le bouddhisme invite à se transformer et à transformer le monde. Mais la voie qu’il propose diffère de celle du judaïsme, du christianisme et de l’islam, même si on peut trouver des points communs ici ou là.

Le développement personnel également invite à « travailler sur soi » mais le travail dont il est question n’a pas le même contenu ni la même méthode que celle que propose l’islam.

En effet, pour l’islam, le contenu du travail sur soi, c’est la mise en conformité de sa personne (intentions, désirs, sentiments, idées, projets et actions) avec la volonté de Dieu, c’est-à-dire la sagesse. La méthode proposée est l’imitation des prophètes, l’application de rituels et de principes moraux : la prière de jour et de nuit, le dhikr, le jeûne, le partage de ses richesses, la maîtrise de soi, le sacrifice, le contentement et l’action au service du Bien…

Pour le développement personnel, le « travail sur soi » a pour contenu l’augmentation de sa « confiance en soi », de son « amour de soi », de sa capacité à devenir un « leader », à « devenir soi-même » ou « la meilleure version de soi-même »… La méthode proposée est le coaching qui encourager l’individu à une meilleure « affirmation de soi » et « communication »…

Ainsi, selon la vision du monde qui anime une personne ou une communauté, on ne conduit pas « la transformation de soi » de la même façon. On ne perturbe pas l’Histoire de la même façon, on n’occupe pas son temps et son espace de la même façon[2].

Défini de façon négative, « perturber » le cours de l’Histoire, c’est ne pas laisser l’injustice faire sa loi dans le monde. 

Défini de façon positive, « perturber » le cours de l’Histoire, c’est agir sur, agir avec le monde, l’améliorer, faire de la terre un Jardin, un petit Paradis où chacun peut jouir des bonnes choses que Dieu nous a offertes, tout en agissant selon la justice et la sagesse. C’est construire al-‘umrân ou une civilisation joyeuse et juste.

Peut-on agir le bien des musulmans sans agir pour le bien de tous ? Et inversement, peut-on agir pour le bien commun sans que ce ne soit bénéfique pour les musulmans ?

L’action que l’islam nous invite à poser n’est pas une action pour « défendre les intérêts des musulmans » mais une action au service du Bien commun. Donner systématiquement la priorité à la défense des intérêts des musulmans sur le Bien commun est une forme d’égoïsme collectif que l’islam nous invite à dépasser.

Du point de vue universel de l’islam, perturber le cours de l’Histoire, ce n’est pas simplement « maîtriser » et « exploiter les ressources naturelles et humaines » quitte à coloniser les communautés humaines et à détruire la nature. C’est plutôt transformer le monde selon la justice et la sagesse. C’est donc cultiver une relation éthique d’homme à homme, entre l’Homme et Dieu, entre l’Homme et la nature.

Perturber le cours de l’Histoire, ce n’est pas simplement « communiquer » et « faire du buzz » : c’est agir pour changer la constitution de l’individu – la nature et la hiérarchie des désirs, des intentions, des valeurs et des idées qui l’animent – et la constitution de la société – le mariage, le droit, l’urbanisme, les réseaux de communication, etc.

  • On entre dans l’Histoire en acceptant d’être responsable de ses actions et du résultat

De nos jours, on voit beaucoup de musulmans exprimer une vision tranquille ou tranquillisante de l’islam : « On est responsable de ses intentions. Quant aux conséquences et aux résultats de nos efforts, on n’en est pas responsable. Les résultats appartiennent à Dieu ». Ainsi, on peut vivre tranquillement sans se soucier de l’inefficacité de ses actions individuelles et collectives, sans se sentir responsable de l’injustice qui domine.

L’islam appelle chacun à s’engager concrètement à perturber le cours de l’Histoire. Reconnaître que Dieu est le Maître de l’univers,que sa Parole révélée est vraie, c’est accepter de répondre à son Invitation (Da’wah) à donner son énergie et sa vie au service du vrai, du bien commun et du juste. Autrement dit, c’est accepter d’entrer dans l’arène de l’histoire et dans le marché des idées et des discours pour changer le cours des choses.

Dieu a créé l’Homme avec la capacité à connaître la volonté de Dieu, avec la capacité d’agir (al-qadr) et la capacité d’impacter son monde (al-kasb). Autrement dit, l’homme est à la fois responsable de l’action (al-’amal) qu’il mène et des résultats acquis (al-kasb). Tous les êtres humains sont dotés de cet « équipement », sans exception.

C’est pourquoi, le Jour du Jugement, Dieu n’évaluera pas simplement les bonnes et les mauvaises intentions qui ont motivé nos actions. Il évaluera également les faits, les actions, les conséquences des actions réalisées par chacun :

« Toute âme aura à assumer le poids de ses actes »

كُلُّ نَفْسٍ بِمَا كَسَبَتْ رَهِينَةٌ

Coran 74 : 38

« Ceux-là auront le Feu comme refuge en conséquence de leurs actes »

أُولَٰئِكَ مَأْوَاهُمُ النَّارُ بِمَا كَانُوا يَكْسِبُونَ

Coran 10 : 8

« Si un malheur vous atteint, c’est la conséquence de vos propres actions. Et Il pardonne beaucoup »

وَمَا أَصَابَكُم مِّن مُّصِيبَةٍ فَبِمَا كَسَبَتْ أَيْدِيكُمْ وَيَعْفُو عَن كَثِيرٍ

Coran 42 : 30

« Ce Jour-là, toute âme sera récompensée selon ses actions. Il n’y aura pas d’injustice ce jour-là. Dieu est rapide pour faire les comptes »

الْيَوْمَ تُجْزَىٰ كُلُّ نَفْسٍ بِمَا كَسَبَتْ لَا ظُلْمَ الْيَوْمَ إِنَّ اللَّهَ سَرِيعُ الْحِسَابِ

Coran 40 : 17

« Comment seront-ils, quand Nous les aurons rassemblés, en un jour au sujet duquel il n’y a pas de doute, où chaque âme recevra, en toute équité, la récompense de ce qu’elle aura acquis et où aucun d’eux ne sera lésé ? »

فَكَيْفَ إِذَا جَمَعْنَاهُمْ لِيَوْمٍ لَّا رَيْبَ فِيهِ وَوُفِّيَتْ كُلُّ نَفْسٍ مَّا كَسَبَتْ وَهُمْ لَا يُظْلَمُونَ

Coran 3 : 25

« A Dieu appartient tout ce qui existe dans les cieux et sur la terre afin qu’Il récompense selon leurs œuvres ceux qui agissent mal et qu’Il accorde une belle récompense à ceux qui font le bien »

وَلِلَّهِ مَا فِي السَّمَاوَاتِ وَمَا فِي الْأَرْضِ لِيَجْزِيَ الَّذِينَ أَسَاءُوا بِمَا عَمِلُوا وَيَجْزِيَ الَّذِينَ أَحْسَنُوا بِالْحُسْنَى

Coran 53 : 31

« Certes, ceux qui craignent Dieu seront dans des jardins, dans des délices, jouissant de ce que leur Seigneur leur aura donné. Et leur Seigneur leur aura épargné le châtiment de la Fournaise. Mangez et buvez en toute sérénité, en récompense de vos actions »

إِنَّ الْمُتَّقِينَ فِي جَنَّاتٍ وَنَعِيمٍ

فَاكِهِينَ بِمَا آتَاهُمْ رَبُّهُمْ وَوَقَاهُمْ رَبُّهُمْ عَذَابَ الْجَحِيمِ

كُلُوا وَاشْرَبُوا هَنِيئًا بِمَا كُنتُمْ تَعْمَلُونَ

Coran 52 : 17-19
  • On entre dans l’Histoire en acceptant de faire de la Terre un Jardin

Dans le judaïsme, « le royaume de Dieu », c’est le royaume de Dieu par des juifs et pour les juifs. C’est la nostalgie du royaume de David que les juifs en exil rêvent de retrouver. Dans le christianisme, « le royaume de Dieu » prend un sens plus spirituel, moins ethnocentré : c’est désormais un « autre monde ». Ce « bas-monde » est désormais le royaume temporaire du diable et de César, de la chair, du corps, des plaisirs impurs et de la raison.

La vision juive du « royaume de Dieu » est très liée à leur imaginaire d’exilés. Quant à la vision chrétienne du « royaume de Dieu », elle est très liée au besoin de corriger les excès matérialistes et communautaristes des juifs.

L’islam vient rappeler le sens de la vie, indépendamment de telle ou telle ethnie, de telle ou telle expérience communautaire, indépendamment des rapports de forces. Le sens de la vie ne dépend pas de la situation de dominé ou de dominant qu’a connue le dernier prophète ou ses compagnons.

La vie ne doit pas être la simple répétition de la vie des générations passées ou présentes, avec leurs excès et leurs injustices. Chaque héritage, passé et présent, doit être réévalué à la lumière du Tawhîd.

En adhérant au Tawhîd, on s’ouvre sur une nouvelle vision de son rôle dans la vie et dans l’Histoire. Il n’y a qu’une vie dans cette vie. Il n’y a qu’un seul monde où l’Homme est attendu en tant que Khalîfah, en tant que vice-gérant libre et responsable. C’est ici et maintenant, maintenant ou jamais, que l’Homme doit exercer sa liberté et sa responsabilité de la meilleure des façons. L’Histoire, c’est l’espace-temps dans lequel l’homme est appelé à réaliser la volonté de Dieu. Tout ce que Dieu attend de l’être humain, c’est maintenant qu’il doit le concrétiser. C’est maintenant que les valeurs et que les idées qui composent la volonté de Dieu doivent être réalisées. Le monde concret, c’est le matériau dont l’homme dispose pour réaliser cette transformation. Transformer la terre, les pays et les villes, les hommes et les femmes : c’est la vocation même de l’Homme sur terre.

Dieu la résume et la rappelle à travers tel et tel prophète, comme ici :

« Aux Thamûd Nous avons envoyé leur frère Sâlih. Il dit : ‘’Ô mon peuple ! Adorez Dieu ! C’est Lui qui vous a établi sur la terre et vous l’a faite peupler (et exploiter). Demandez-Lui pardon, puis revenez à Lui. Mon Seigneur est proche et Il répond toujours (aux appels)’’ »

وَإِلَىٰ ثَمُودَ أَخَاهُمْ صَالِحًا ۚ قَالَ يَا قَوْمِ اعْبُدُوا اللَّهَ مَا لَكُم مِّنْ إِلَٰهٍ غَيْرُهُ ۖ هُوَ أَنشَأَكُم مِّنَ الْأَرْضِ وَاسْتَعْمَرَكُمْ فِيهَا فَاسْتَغْفِرُوهُ ثُمَّ تُوبُوا إِلَيْهِ ۚ إِنَّ رَبِّي قَرِيبٌ مُّجِيبٌ

Coran 11 : 61

Adhérer à la religion, ce n’est pas simplement croire en quelques idées et pratiquer un culte. C’est adhérer à une façon de voir le monde et d’agir dans tous les aspects de la vie. Et à l’inverse, rejeter la religion, ce n’est pas rejeter quelques idées abstraites ainsi que le culte. C’est avoir une façon d’agir et de vivre qui est à l’opposé de la justice et de la sagesse. C’est ce que le Coran nous rappelle en posant la question de savoir qui est celui qui rejette la religion :

« As-tu vu celui qui traite la religion de mensonge ? C’est celui qui repousse l’orphelin et qui n’encourage pas à nourrir le pauvre »

أَرَأَيْتَ الَّذِي يُكَذِّبُ بِالدِّينِ

فَذَٰلِكَ الَّذِي يَدُعُّ الْيَتِيمَ

وَلَا يَحُضُّ عَلَىٰ طَعَامِ الْمِسْكِينِ

Coran 107 : 1-3

Autrement dit, renoncer à son devoir de solidarité envers l’orphelin et la personne dans le besoin, c’est être dans une forme de rejet de la religion.

Ainsi, remplir (al-isti’mâr) la vie de valeurs, y compris de valeurs matérielles telles que donner à chacun de quoi se nourrir, ce n’est pas simplement quelque chose d’important aux yeux de la religion : c’est l’affaire même de la religion, au sens où l’islam l’entend. Avoir une attitude noble envers ses parents ; accueillir le pauvre, le voyageur ou l’orphelin autour d’un repas ; ne pas tricher en matière de commerce ; traiter des conflits au sein d’un couple ou d’une famille ; tisser la paix entre communautés humaines ; ne pas commettre d’injustice contre quelqu’un qui a commis une injustice contre nous, etc. : tout ceci est l’affaire même de la religion.

Faire de cette vie un Jardin, un petit Paradis : telle est la vocation de l’Homme qui a accepté de répondre à l’Invitation de Dieu.

Toutes les valeurs, tout l’idéal de l’islam peut se concrétiser dans l’histoire grâce à l’action humaine. L’histoire est le théâtre dans lequel chacun doit passer l’épreuve de sa moralité, l’épreuve de sa fidélité à la volonté de Dieu (au vrai, au bien commun et au juste), face au mal et malgré le mal qu’il va rencontrer.

Par conséquent, la vie humaine est dangereuse : chacun sera jugé en fonction de ses intentions et de ses réalisations. L’être humain est le seul vivant capable de succéder à Dieu, de cogérer la vie, en réalisant la volonté de Dieu, ou au contraire, en choisissant la voie de l’oubli de Dieu et de l’injustice.

C’est maintenant, dans ce qu’il fait du monde que Dieu lui a confié, que l’Homme joue sa vie future. C’est en fonction de son action ou de son inaction qu’il sera jugé, récompensé et sanctionné dans la vie future. Cette vie ou ce monde est donc chargé d’un enjeu moral : chaque décision et geste que l’on pose dans sa vie engage notre futur en enfer ou au paradis. Le Coran ne cesse de nous rappeler combien agir selon le Bien accélère notre entrée au paradis, tandis qu’agir selon l’injustice accélère notre entrée en enfer.

« Par conséquent, les affaires de ce monde prennent en islam une signification de la plus grande gravité et du plus grand sérieux. L’Histoire est aussi cruciale pour le musulman qu’elle l’est pour le communiste, à la différence près que le musulman sait que c’est lui et non pas l’absolu, qui est responsable de l’histoire. Le musulman est confiant dans le fait que ce que Dieu fait de l’histoire, au final, est la conséquence directe de sa propre conduite dans l’histoire, au niveau personnel ou individuel, ainsi qu’au niveau communautaire ou sociétal. Alors que pour le communiste, l’histoire est elle-même l’absolu qui agit selon la loi de la nécessité, et que pour le chrétien, l’histoire est sans intérêt, superflue et mauvaise, pour le musulman, elle est le théâtre, la matière, le test, la substance et le but même de la création. Il s’ensuit que l’islam définit son adhérent comme une personne qui prend la vie au sérieux ; qui réfléchit à la création et qui s’exclame : ‘’Notre Seigneur ! Tu n’as pas créé tout ceci en vain ! Gloire à toi ! Et préserve-nous du châtiment du Feu !’’[12] ; qui mène la vie dangereuse en cherchant le plus possible à interférer avec les processus de la nature et de l’histoire ; et qui accepte d’être jugé pour ses réalisations et pour ses échecs dans l’histoire. Le tawhîd permet donc au musulman de se voir lui-même comme le vortex de l’histoire, parce qu’il est le seul vice-gérant qui puisse amener la volonté de Dieu à se réaliser dans l’histoire »[13].

  • On entre dans l’Histoire en cultivant une spiritualité engagée

Cette vision de la vie et de l’histoire est la seule qui puisse expliquer la façon de vivre et d’agir qui animait le prophète, ses compagnons, ainsi que les premières générations de musulmans.

En effet, le prophète Muhammad avait l’habitude de se retirer dans la grotte de Hîrâ pour méditer sur le sens de la vie, sur la création, sur le Créateur… Mais il ne cherchait pas à vivre selon une spiritualité individualiste. Lorsque, pour la première fois, il a reçu la révélation dans cette grotte même, par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, il n’a pas cherché à cultiver cet état spirituel, à goûter encore et encore à cette expérience spirituelle. Il n’est pas parti voir ses proches pour les inviter à goûter à cette expérience spirituelle. Il ne leur a pas dit : « J’ai trouvé un moyen de ressentir la paix intérieure, de goûter au plaisir d’être proche de Dieu, d’être dans un état de pureté totale. Venez que je vous montre ! ».

Totalement secoué, il est parti se réfugier auprès de sa femme Khadîjah qui l’a enveloppé d’un manteau et a tenté de le réconforter. Et Dieu de saisir son prophète par cette Parole forte :

« Ô, toi le revêtu d’un manteau ! Lève-toi et avertis ! Et de ton Seigneur, célèbre la grandeur »

يَا أَيُّهَا الْمُدَّثِّرُ

قُمْ فَأَنذِرْ

وَرَبَّكَ فَكَبِّرْ

Coran 74 : 1-3

Le prophète n’a jamais enseigné une religion ou une spiritualité individualiste. Il n’a jamais réduit le changement social au changement individuel, lorsqu’il récitait et expliquait les signes de Dieu :

« (…) En vérité, Dieu ne change pas l’état d’un peuple tant que les hommes qui le composent n’auront pas modifié ce qui est en eux-mêmes (…) »

إِنَّ اللَّهَ لَا يُغَيِّرُ مَا بِقَوْمٍ حَتَّىٰ يُغَيِّرُوا مَا بِأَنفُسِهِمْ ۗ وَإِذَا أَرَادَ اللَّهُ بِقَوْمٍ سُوءًا فَلَا مَرَدَّ لَهُ ۚ وَمَا لَهُم مِّن دُونِهِ مِن وَالٍ

Coran 13 : 11

« C’est que, en effet, Dieu ne change pas les bienfaits dont Il gratifie un peuple avant que celui-ci change ce qui est en lui-même. Dieu, certes, entend tout, Il sait tout »

ذَٰلِكَ بِأَنَّ اللَّهَ لَمْ يَكُ مُغَيِّرًا نِّعْمَةً أَنْعَمَهَا عَلَىٰ قَوْمٍ حَتَّىٰ يُغَيِّرُوا مَا بِأَنفُسِهِمْ ۙ وَأَنَّ اللَّهَ سَمِيعٌ عَلِيمٌ

Coran 8 : 53

En expliquant ces signes, il n’a jamais enseigné que chacun devait se replier sur la sphère individuelle : « se concentrer sur soi », cultiver la « spiritualité » et son « développement personnel »…, pour que le changement social ait lieu.

Bien au contraire, une fois animé par la vision du monde que Dieu lui révèle, le prophète Muhammad sort de la grotte de Hîrâ, va à la Mecque pour agir et transformer la société et l’Histoire.

Contempler Dieu, aimer Dieu et vivre pour Dieu n’a aucun sens si cela consiste à cultiver une vie spirituelle tout en cautionnant l’ordre établi, avec sa part d’injustice, par son action ou par son indifférence. Elle prend tout son sens lorsqu’elle s’achève à travers l’engagement à transformer le monde pour le rendre meilleur, conforme à la volonté de Dieu.

Rempli de cette vision du monde, le prophète Muhammad ne pouvait plus rester indifférent face à l’injustice. Il n’avait même plus de place dans son cœur pour accepter de vivre en cumulant des opportunités qui allaient l’avantager personnellement. C’est pourquoi son cœur ne pouvait que rejeter la proposition que les polythéistes lui avaient faite de laisser tomber cette religion, en échange de la richesse et du pouvoir :

« Je jure par Dieu que même s’ils mettaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche pour me faire renoncer à cette mission, je n’y renoncerais pas jusqu’à ce que Dieu la fasse triompher ou que j’y perde la vie »[17].

Au lieu de vivre « sa spiritualité » et de laisser l’injustice faire sa loi, il a résisté. Au lieu de « se concentrer sur son cœur » et d’arrêter d’utiliser sa raison, il a pensé comme un sage-stratège qui a su déjouer les complots des mecquois qui voulaient le tuer lui ainsi que les musulmans. Au lieu de « se concentrer sur la religion » au sens où on l’entend dans la culture moderne, au sens de repli sur la sphère du personnel, du « cœur », de « la foi » et du « culte », il a quitté la Mecque pour s’installer à Médine où il a fondé un nouvel Etat ; une nouvelle façon de produire et de partager la richesse collective ; une nouvelle façon de garantir l’unité tout en protégeant la diversité culturelle et religieuse ; une nouvelle façon de construire la paix aux niveaux régional et international…

Le prophète Muhammad était « un Coran marchant » en ce sens qu’il intervenait dans les petites choses de la vie quotidienne pour y faire entrer la volonté de Dieu, pour réaliser le vrai, le bien commun et le juste : dans les échanges commerciaux, dans l’éthique de la guerre, dans la façon de réagir face à la calomnie, dans la façon de traiter avec des hypocrites, dans la façon de comprendre et de vivre la vraie piété, etc. Il était sur tous les fronts de la vie : la famille, le voisinage, la mosquée, le commerce, l’éducation et la politique…

« Au lieu de se rendre passivement à ses ennemis et de faire de lui un autre agneau sacrifié, il s’est montré plus malin qu’eux, a émigré à Médine et, dès la première semaine, a établi le premier Etat islamique et lui a donné sa constitution. Sa mission ne consiste en rien de plus que de recevoir et de transmettre le message. Mais le message avait un contenu et Muhammad était le premier à accomplir ce qui était exigé. Ce contenu exigeait de lui qu’il interfère avec les processus de la nature, dans la vie des gens de son peuple et de l’humanité dans son ensemble, pour amener la transformation désirée. Après une carrière illustre en tant que leader, sur tous les fronts de la vie – sur les fronts les plus personnels aux fronts militaires, politiques et juridiques –, carrière durant laquelle il a unifié l’Arabie et l’a mobilisée pour jouer un rôle décisif dans l’histoire mondiale, il est mort alors qu’une armée était mobilisée et prête à porter l’islam au monde, au-delà de l’Arabie »[18].

Tous les prophètes, depuis Adam jusqu’à Muhammad, sans exception, étaient animés de cette vision qui a fait naître en eux un sentiment oppressant. En effet, une fois animés par cette vision, une fois qu’ils ont perçu la Réalité – al-Haqq (Dieu) –, ils ont été pris de panique. Ils ont compris que désormais, ils étaient appelés à sortir de leur petit monde fait de tranquillités mensongères – des illusions, des idées mortelles, des traditions qui font mal, etc. – et à devenir des Khalîfah de Dieu sur terre. Ils ont compris que désormais, la vie avait une finalité supérieure, que la vie était dangereuse, car chacun allait devoir répondre devant Dieu de la façon dont il a joui et usé de sa liberté et de ses capacités personnelles. 

Tous ont compris que la voie de la sagesse était l’inverse de la voie de la médiocrité et de la tranquillité de ceux qui ferment les yeux face à l’injustice.

Cette vision s’est diffusée auprès de ses compagnons et des premières générations de musulmans qui ont purifié leur cœur, qui ont réformé leur façon de penser et d’agir, et qui sont entrés dans l’arène de l’histoire des arabes puis de l’histoire mondiale, pour les transformer.

En effet, animées par cette même vision du monde, les premières générations de musulmans agissaient selon un sentiment oppressant : elles savaient qu’elles devaient se transformer et transformer leur monde. Elles ont plongé dans l’arène de l’histoire la tête la première, pour transformer le monde. Elles étaient décidées à former un nouvel ordre mondial où toute injustice allait rencontrer face à elle la résistance du juste ; où les idées allaient pouvoir circuler librement, où les hommes allaient être libres de convaincre les autres et d’être convaincus par les autres, à travers le débat ; où le savoir et la sagesse étaient à rechercher partout, sur tous les continents.

« Saisis par la vision du prophète et par sa flamme personnelle, les premiers musulmans ont plongé dans l’arène de l’histoire la tête la première. Ils ont changé la constitution interne d’individus de toutes les cultures, les modèles de leur vie quotidienne, les cultures de sociétés toutes entières, ainsi que les cartes, les contours et les horizons de villages, de cités et d’empires tout entiers »[19].

En tant qu’être humain, nous ne sommes pas là pour simplement « faire sa place dans la société ». Nous n’avons pas un problème de « place » ou de « poste », de « reconnaissance » ou d’ « image ». Nous ne sommes pas là pour négocier notre place dans la société. Nous sommes là pour participer à une meilleure direction générale.

En ce sens, la mission du musulman ne se confond pas avec l’obsession d’avoir une place politique ou économique. Sa mission est globale. Elle est morale et concerne tous les aspects de la vie :

« La tâche, telle que le musulman la concevait, était globale ; et il voulait être sûr de la remplir complètement. La nature de la tâche était morale et religieuse, car le musulman n’était pas en quête d’une place politique ni d’un avantage économique. Ce qu’il cherchait à établir, c’est une terre gouvernée par un nouvel ordre mondial ; une terre où aucune injustice ne peut s’échapper sans rencontrer sa juste réparation ; où les idées sont libres de voyager et les hommes sont libres de convaincre et d’être convaincus ; et où l’islam peut appeler les hommes à l’unité de Dieu, de la vérité et de la valeur.

Si l’histoire elle-même n’avait pas existé auparavant et si elle avait crié pour appeler à exister de nouveau, comme elle a crié aux oreilles du musulman, le musulman l’aurait créée. Car, comme Hayy ibn Yaqzân, ayant découvert Dieu et la volonté divine, il lui a fallu fabriquer un radeau à partir des arbres, pour traverser les mers, pour mettre fin à son isolement individualiste, pour chercher la société et le monde et pour faire l’histoire »[20].

Ainsi, selon la vision du monde qui nous anime, on ne fait pas l’histoire de la même façon. Si on compare l’Algérie, l’Allemagne, la France ou la Chine, on voit que la vision du monde qui anime ces quatre pays ne pousse pas à structurer les paysages, les villes et les réseaux de communication (internet, routes, ports, train, tuyaux de gaz et de pétrole, réseaux numériques…) de la même façon[21].  La façon de structurer l’espace et le temps dit beaucoup de la vision du monde qui anime une société.

Avec le dernier prophète (paix sur lui), la carte du monde a été transformée : elle est passée du petit monde de la Mecque et de Médine à l’Arabie, jusqu’à la Perse, en passant par l’Asie, le Maghreb et l’Europe… Les cartes géographiques, les réseaux de communication routière, les réseaux d’échange culturel et commercial… : tout a été « perturbé », changé, amélioré.

Cette vision d’une spiritualité engagée doit être bien distinguée des exagérations de certains groupes soufis qui se sont désengagés du monde :

« Les exagérations (à la fois religieuses et sociales) de certains groupes mystiques ont donné au soufisme une mauvaise réputation dans de nombreuses régions du monde musulman. Ses tendances individualistes tournées vers l’intérieur ont été considérées par les musulmans modernistes comme l’une des principales causes de la dégradation des peuples musulmans et de leur asservissement par les mains des pouvoirs internes et externes. Ils se sont basés sur l’argument selon lequel le soufisme a donné une trop grande importance à la piété personnelle, au détriment de l’accent islamique traditionnel donné à l’accomplissement, au développement et au progrès individuels et collectifs »[22].

Ainsi, dans une large mesure, le soufisme, a affaibli la volonté de réaliser la sagesse de la religion dans cette vie et a plutôt encouragé à se soucier de la vie future.

A l’époque du prophète Muhammad, il existait un groupe d’hommes connus sous le nom d’ « ahl al-suffah », qui menaient une vie d’ascètes mais de façon ponctuelle uniquement, pour de courtes périodes. Ils retournaient ensuite à leurs occupations et à leur vie habituelle. Ces hommes ne prétendaient pas représenter l’ascétisme idéal du musulman ni exécuter un ordre du prophète. Leur retraite ponctuelle était un choix personnel, une sorte d’entraînement spirituel qu’ils choisissaient de pratiquer de temps en temps. Rien à voir avec les courants soufis qui ont banalisé la retraite au point de se désengager des affaires collectives, de la participation au bien social et à la résistance contre l’injustice.

C’est pour cette raison que les récents mouvements de réforme et de renouveau islamiques ont exprimé une forte critique à son égard.


[2] Pour approfondir comment une vision du monde se matérialise dans la façon de penser et de vivre, Cf. Bennabi, Malek (1970), Le problème des idées dans le monde musulman. Chapitre 1 Les deux réponses au vide cosmique.
[13] Al-Fârûqî, Ismâ’ïl Râjî (1982), Al-Tawhîd. Its implications for Thought and Life. International Institute of Islamic Thought, Virginia, USA, p.35-36.
[17] Muhammad Husain Haykal, The Life of Muhammad, trad. Ismâ’îl Râjî al-Fârûqî. Indianapolis: American Trust Publications, 1976, p89.
[18] Al-Fârûqî, Ismâ’ïl Râjî (1982), Al-Tawhîd. Its implications for Thought and Life. International Institute of Islamic Thought, Virginia, USA, p.36.
[19] Al-Fârûqî, Ismâ’ïl Râjî (1982), Al-Tawhîd. Its implications for Thought and Life. International Institute of Islamic Thought, Virginia, USA, p.36-37.
[20] Al-Fârûqî, Ismâ’ïl Râjî (1982), Al-Tawhîd. Its implications for Thought and Life. International Institute of Islamic Thought, Virginia, USA, p.37.
[21] Cf. Michel SERRES…………………..champs/géographie…………….
[22] Al-Fârûqî, Ismâ’ïl Râjî (2013), The Arts of Islamic Civilization, International Institute of Islamic Thought, Virginia, USA, p.26.


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