Le Coran : la voie universelle pour sortir de l’obscurantisme


Introduction

Qu’est-ce qu’al-jāhiliyyah ? On définit souvent ce concept par « l’époque de l’ignorance », avant que l’islam ne se révèle. Est-ce juste ? Avant que l’islam ne se diffuse, le monde était-il totalement plongé dans l’ignorance ou bien y avait-il aussi une part de bien et de vérité ? Et à partir de la diffusion de l’islam, le monde a-t-il cessé d’être ignorant et obscurantiste ? Bref, quels sens le mot jāhiliyyah a-t-il dans le Coran ? Qu’est-ce qu’il désigne ? Quels sont ses synonymes et ses opposés ? 

Al-jāhiliyyah ou l’obscurantisme : une tendance humaine universelle

Dans le Coran, al-jāhiliyyah ne renvoie ni à une époque ni à une géographie particulière. Autrement dit, al-jāhiliyyah n’est pas simplement « l’époque d’avant l’islam ». C’est une tendance, un état d’esprit, une façon de raisonner et de juger, une façon de voir Dieu et le monde, une façon d’être, d’agir et de vivre. C’est une tendance qui peut être individuelle, collective ou sociale.

Toute personne, de toute religion et philosophie de vie, y compris musulmane, peut être atteinte de jāhiliyyah dans sa façon de penser, d’agir et de vivre. C’est une tendance universelle présente dans la nature même de l’homme

En effet, lorsque Dieu propose à l’ensemble de la création al-amânah, le dépôt de la liberté et de la responsabilité de faire le bien et le mal, tout le monde a refusé à l’exception de l’homme. Ce dernier, nous informe Dieu, a fait ce choix par ignorance. Autrement dit, par nature, tout personne a tendance à laisser son ignorance la guider ou plutôt l’égarer dans ses choix. Les cieux, la terre et les montagnes… : tous ont choisi d’agir et de vivre selon les lois universelles que Dieu leur fixe plutôt que de prendre le risque de laisser leur ignorance les égarer :

« En vérité, Nous avons proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes al-amânah (le dépôt de la liberté et de la responsabilité de faire le bien et le mal). Mais tous ont refusé d’en assumer la responsabilité et ils en ont eu peur, alors que l’homme s’en est chargé, par injustice et par ignorance ». 

إِنَّا عَرَضْنَا الْأَمَانَةَ عَلَى السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَالْجِبَالِ فَأَبَيْنَ أَن يَحْمِلْنَهَا وَأَشْفَقْنَ مِنْهَا وَحَمَلَهَا الْإِنسَانُ ۖ إِنَّهُ كَانَ ظَلُومًا جَهُولًا

Coran 33 : 72

Ainsi, l’ignorance est un trait de caractère de l’être humain. Mais ce n’est pas un état définitif : on peut être dans al-jāhiliyyah aujourd’hui et bien s’orienter demain, en rejoignant la sagesse que l’islam vient rappeler. A l’inverse, on peut être sur la voie de l’islam aujourd’hui, et tomber dans l’obscurantisme demain. On peut ignorer une vérité aujourd’hui mais on est capable de progresser dans sa connaissance du monde grâce à un effort continue et méthodique.

Il arrive de mal penser et de mal agir par ignorance, par manque de discernement, de connaissance et de sagesse. Dans ce cas, Dieu est prêt à pardonner à condition de se réformer, de faire l’effort de vivre, de penser et d’agir selon la sagesse :

« Sache qu’envers ceux qui ont fait le mal par ignorance (bi-jahālah بِجَهَالَةٍ) et qui se sont ensuite repentis et qui ont amélioré leur conduite, ton Seigneur sera, après cela, plein de Pardon et de Miséricorde ».

ثُمَّ إِنَّ رَبَّكَ لِلَّذِينَ عَمِلُوا السُّوءَ بِجَهَالَةٍ ثُمَّ تَابُوا مِن بَعْدِ ذَٰلِكَ وَأَصْلَحُوا إِنَّ رَبَّكَ مِن بَعْدِهَا لَغَفُورٌ رَّحِيمٌ

Coran 16 : 119

Mais il arrive aussi que l’on pense mal et que l’on fasse le mal par confort, par habitude, par intérêt, par esprit de rébellion, par réaction, par perversion ou par injustice. Cela n’est plus simplement dû à l’ignorance : c’est un choix assumé. Al-jāhiliyyah n’est pas la tendance à faire le mal à cause d’une simple ignorance : ce peut être le mal que l’on fait en fermant les yeux, faute d’exercer sa raison, son esprit critique et sa responsabilité sociale. Ou encore, ce peut être le mal que l’on fait volontairement, par méchanceté ou perversion personnelle. 

La vie de chacun est un combat, jusqu’au dernier souffle, entre la Lumière (al-nūr) ou la tendance vers le bien, et les ténèbres (al-ulumāt) ou la tendance vers le mal.

Al-jāhiliyyah est synonyme de penser et d’agir de façon injuste, par exemple : suivre ses passions ; confondre son opinion personnelle avec la vérité objective, suivre la bêtise ; imiter aveuglément sa tradition, ses chefs politiques et religieux ; avoir un comportement « animal », c’est-à-dire irréfléchi, immoral, cruel, violent… Le mot jāhiliyyah peut se traduire par « ignorance » mais aussi par « obscurantisme » et « barbarie ».

Al-jāhiliyyah s’oppose à toute une série de concepts : al-nūr (la Lumière), al-islâm (l’islam), al-ḥikmah (la sagesse), dīn al-qayyim (la voie ou la religion), al-insāniyyah (les caractéristiques propres à l’humain, par opposition à l’animal), al-‘ilm (la connaissance), ḥusn al-khuluq (la vertu), al-qisṭ (la justice), etc.

Al-jāhiliyyah, c’est l’obscurantisme intellectuel, dans sa façon de penser

Al-jāhiliyyah, c’est l’obscurantisme intellectuel, dans sa façon de penser Dieu et le monde. L’obscurantisme intellectuel est le résultat de la confusion entre ses désirs et la réalité, du conformisme aveugle, de l’absence d’esprit critique et de méthode. En somme, l’obscurantisme intellectuel est le résultat d’une mauvaise utilisation de ses qualités et de ses pouvoirs d’être humain, au point de fonctionner à l’image d’un animal conditionné par des stimuli (la peur, la faim, le désir…) sans exprimer sa liberté en faisant des choix de valeur…

Prenons quelques exemples pour illustrer la tendance vers l’obscurantisme intellectuel. 

Al-jāhiliyyah, c’est l’absence d’esprit critique et de méthode dans sa façon de penser Dieu

Chacun d’entre nous peut voir le monde tout en étant affecté par une part de jāhiliyyah, d’ignorance, de préjugés, de biais, de fausses croyances, de fausses théories, de fausses idées… 

Il est facile de confondre Dieu l’Unique avec d’autres divinités, de confondre la sagesse avec d’autres discours humains qui lui ressemblent, de confondre le Vrai, le Bien et le Juste avec leurs contrefaçons :

« Et la plupart d’entre eux n’adhèrent à Dieu qu’en Lui donnant des associés ».

وَمَا يُؤْمِنُ أَكْثَرُهُم بِاللَّهِ إِلَّا وَهُم مُّشْرِكُونَ

Coran 12 : 106

Par obscurantisme, on peut ainsi confondre l’islam et le communautarisme, l’islam et le nationalisme, l’islam et le racisme, l’islam et le discours du dominant ou de la mode du moment…

Agir par obscurantisme, c’est agir par réflexe, par opposition, par peur, ou par imitation, sans prendre le soin de vérifier si son action est bonne, basée sur la réalité ou la vérité. C’est le cas de ceux qui insultent Dieu lorsqu’ils se sentent insultés

« N’insultez pas ceux qu’ils invoquent en dehors de Dieu, sinon ils insulteraient Dieu par hostilité et par ignorance. C’est ainsi que Nous avons enjolivé aux yeux de chaque communauté ses propres actions. Mais ses membres retourneront ensuite vers leur Seigneur et Il leur fera alors connaître leurs agissements passés ». 

وَلَا تَسُبُّوا الَّذِينَ يَدْعُونَ مِن دُونِ اللَّهِ فَيَسُبُّوا اللَّهَ عَدْوًا بِغَيْرِ عِلْمٍ ۗ كَذَٰلِكَ زَيَّنَّا لِكُلِّ أُمَّةٍ عَمَلَهُمْ ثُمَّ إِلَىٰ رَبِّهِم مَّرْجِعُهُمْ فَيُنَبِّئُهُم بِمَا كَانُوا يَعْمَلُونَ

Coran 6 : 108

Agir par obscurantisme, c’est agir en imitant aveuglément la tendance dominante de sa communauté ou de sa société. Par exemple, les enfants d’Israël ont suivi la religion de Moïse. Mais en même temps, ils se sont sentis trop « différents » et « marginaux » comparés aux autres qui continuent d’adorer des idoles. Animés d’un complexe d’infériorité et d’une tendance conformiste aveugle, ils ont demandé à Moïse de leur donner également des idoles, à l’image des autres :

« Nous avons fait traverser la mer aux enfants d’Israël et ils sont arrivés auprès d’un peuple qui adorait ses idoles. Ils ont dit : ‘’Ô Moïse ! Fais-nous un dieu semblable à leurs dieux’’. Il leur a répondu : ‘’Vous êtes un peuple d’ignorants !’’ ».

وَجَاوَزْنَا بِبَنِي إِسْرَائِيلَ الْبَحْرَ فَأَتَوْا عَلَىٰ قَوْمٍ يَعْكُفُونَ عَلَىٰ أَصْنَامٍ لَّهُمْ ۚ قَالُوا يَا مُوسَى اجْعَل لَّنَا إِلَٰهًا كَمَا لَهُمْ آلِهَةٌ ۚ قَالَ إِنَّكُمْ قَوْمٌ تَجْهَلُونَ

Coran 7 : 138

L’obscurantisme se manifeste ici dans le fait d’agir par imitation aveugle en prêtant à des idoles des qualités et un pouvoir que seul Dieu l’Unique possède. Plus largement, c’est espérer que les dieux fabriqués par les mains de l’Homme, que des êtres invisibles ou que la sorcellerie soient capables de réaliser les désirs d’une personne ou d’une société : la santé, l’amour, le bonheur ou la réussite…

Par ailleurs, on peut avoir sur Dieu une image fausse et injuste, une conception basée sur l’ignorance et l’obscurantisme. Par exemple, lorsqu’on traverse une épreuve dans sa vie, on peut se mettre à avoir des pensées négatives sur Dieu et à penser que la seule chose qui vaille la peine, c’est de penser à soi-même, à sa vie immédiate, à ses intérêts et à son bien-être. Ce sentiment de peur conduit vers l’obscurantisme, vers une mauvaise hiérarchie des valeurs et vers une façon de vivre égoïste : 

« Après l’angoisse, Il a fait descendre sur vous la sécurité, un sommeil qui a enveloppé une partie d’entre vous, tandis que d’autres se préoccupaient de leur propre sort et se faisaient une fausse opinion de Dieu, une opinion née de l’ignorance (…) ».

ثُمَّ أَنزَلَ عَلَيْكُم مِّن بَعْدِ الْغَمِّ أَمَنَةً نُّعَاسًا يَغْشَىٰ طَائِفَةً مِّنكُمْ ۖ وَطَائِفَةٌ قَدْ أَهَمَّتْهُمْ أَنفُسُهُمْ يَظُنُّونَ بِاللَّهِ غَيْرَ الْحَقِّ ظَنَّ الْجَاهِلِيَّةِ

Coran 3 : 154

Au niveau de la conception du monde, l’obscurantisme se manifeste par exemple dans le fait de reconnaître que l’univers est parfaitement organisé, que toute l’intelligence humaine ne saurait reproduire cette perfection, que tout effet a une cause… Et paradoxalement, c’est se satisfaire d’une explication magique d’un monde existant « comme ça », sans Créateur. Cette mauvaise conception de Dieu et du monde entraîne un obscurantisme dans la vie pratique : la confusion et le relativisme dans la définition du bien et du mal, ce qui entraîne des excès ou de l’indifférence sociale face au mal.

Au niveau de la conception de l’Homme, l’obscurantisme se manifeste par exemple dans le fait de se croire à l’image de Dieu, de croire que l’on est tout-puissant. Par conséquent, l’obscurantisme se manifeste sous la forme d’un refus que la vie soit limitée, qu’il y ait des limites à sa volonté. Dieu éduque son prophète (paix sur lui) pour que ce dernier ne tombe dans cette forme de jāhiliyyah, dans ce sentiment de toute puissance en croyant pouvoir guider les gens qui ne le veulent pas. Dieu a le pouvoir de les guider mais Il a donné à chacun la liberté de choisir sa voie :

« Leur indifférence te peine au point que, si tu en avais le pouvoir, tu creuserais une galerie sous la terre ou tu dresserais une échelle vers le ciel pour leur apporter un signe. Mais si Dieu le voulait, Il les rassemblerait tous dans la bonne direction. Ne sois donc pas parmi les ignorants ! ». 

وَإِن كَانَ كَبُرَ عَلَيْكَ إِعْرَاضُهُمْ فَإِنِ اسْتَطَعْتَ أَن تَبْتَغِيَ نَفَقًا فِي الْأَرْضِ أَوْ سُلَّمًا فِي السَّمَاءِ فَتَأْتِيَهُم بِآيَةٍ ۚ وَلَوْ شَاءَ اللَّهُ لَجَمَعَهُمْ عَلَى الْهُدَىٰ ۚ فَلَا تَكُونَنَّ مِنَ الْجَاهِلِينَ

Coran 6 : 35

Al-jāhiliyyah, c’est l’absence d’esprit critique et de méthode dans sa façon de penser les choses de la vie

Une personne tombe dans la jāhiliyyah lorsqu’elle utilise mal son pouvoir de réflexion et d’observation. Autrement dit, lorsqu’elle perd ses capacités humaines, lorsqu’elle raisonne et agit à l’image d’un animal, ou pire encore, car l’animal utilise pleinement ses facultés limitées. L’homme perd sa qualité humaine lorsqu’il utilise mal son pouvoir de réfléchir alors qu’il en a les moyens, alors que le monde et que les livres sont à sa disposition. Il devient à l’image d’un âne qui porte des livres dont il ignore la valeur et dont il ne se sert pas :

« Ceux qui ont été chargés de la Torah mais qui ne l’ont pas appliquée sont pareils à un âne pliant sous le poids de livres sans en tirer aucun profit. C’est là le mauvais exemple de ceux qui traitent de mensonges les signes de Dieu. Mais Dieu ne guide pas les gens injustes ».

مَثَلُ الَّذِينَ حُمِّلُوا التَّوْرَاةَ ثُمَّ لَمْ يَحْمِلُوهَا كَمَثَلِ الْحِمَارِ يَحْمِلُ أَسْفَارًا ۚ بِئْسَ مَثَلُ الْقَوْمِ الَّذِينَ كَذَّبُوا بِآيَاتِ اللَّهِ ۚ وَاللَّهُ لَا يَهْدِي الْقَوْمَ الظَّالِمِينَ

Coran 62 : 5

Au niveau intellectuel, l’obscurantisme se manifeste par exemple dans le fait d’avoir des convictions personnelles et de réagir en fonction de croyances non vérifiées, de peurs plus que sur la base d’une enquête ou d’une réflexion méthodique. L’obscurantisme, c’est le fait d’encombrer son esprit d’informations sans parvenir à distinguer ce qui est fondé de ce qui n’est que pure supposition ou idée fausse. 

Autrement dit, c’est une absence d’esprit critique, une forme de naïveté face aux informations mensongères qui circulent au quotidien :

« Ô vous qui avez adhéré à la voie de Dieu ! Si quelqu’un de mal intentionné vous apporte une nouvelle, soyez prudents et mettez la situation au clair ; car si, par ignorance, vous nuisiez à certaines personnes, vous auriez à vous repentir d’avoir agi ainsi ». 

يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا إِن جَاءَكُمْ فَاسِقٌ بِنَبَإٍ فَتَبَيَّنُوا أَن تُصِيبُوا قَوْمًا بِجَهَالَةٍ فَتُصْبِحُوا عَلَىٰ مَا فَعَلْتُمْ نَادِمِينَ

Coran 49 : 6

Une famille, une communauté ou des sociétés qui se basent sur de fausses informations pour décider de leurs relations d’hostilité ou d’alliance finissent par créer une crise de confiance ainsi que la division généralisée.

Al-jāhiliyyah, c’est la tendance à confondre le Bien et ce qui me fait du bien 

Quelles sont les caractéristiques de cette façon de juger propre à la jāhiliyyah ?

C’est la tendance à faire des choix en se basant sur ses désirs personnels, sur ce qui plaît ou ce qui fait du bien, plus que sur le bien et la justice. C’est aussi se référer à la justice et à la morale quand cela arrange et à s’en détourner lorsqu’on se sent dérangé ou limité dans ses désirs. Cette façon de penser conduit nécessairement à participer à l’injustice sur terre :

« Nous t’avons révélé le Livre avec la Vérité, confirmant le Livre qui était avant lui et veillant à sa sauvegarde. Juge entre ces gens d’après ce que Dieu a révélé. Ne te conforme pas à leurs désirs en te détournant de ce que tu as reçu de la Vérité. A chacun de vous Nous avons donné une voie et une méthode. Si Dieu l’avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté, mais Il a voulu vous éprouver par ce qu’Il vous a donné. Surpassez-vous en bonnes actions. C’est à Dieu que tous vous retournerez et Il vous éclairera sur l’objet de vos divergences. 

Juge alors parmi eux d’après ce que Dieu a révélé. Ne suis pas leurs passions, et prends garde qu’ils ne tentent de t’éloigner d’une partie de ce que Dieu t’a révélé. S’ils se détournent, sache que Dieu veut les frapper pour certains de leurs péchés. Certes, beaucoup d’hommes sont pervers ».

وَأَنزَلْنَا إِلَيْكَ الْكِتَابَ بِالْحَقِّ مُصَدِّقًا لِّمَا بَيْنَ يَدَيْهِ مِنَ الْكِتَابِ وَمُهَيْمِنًا عَلَيْهِ ۖ فَاحْكُم بَيْنَهُم بِمَا أَنزَلَ اللَّهُ ۖ وَلَا تَتَّبِعْ أَهْوَاءَهُمْ عَمَّا جَاءَكَ مِنَ الْحَقِّ ۚ لِكُلٍّ جَعَلْنَا مِنكُمْ شِرْعَةً وَمِنْهَاجًا ۚ وَلَوْ شَاءَ اللَّهُ لَجَعَلَكُمْ أُمَّةً وَاحِدَةً وَلَٰكِن لِّيَبْلُوَكُمْ فِي مَا آتَاكُمْ ۖ فَاسْتَبِقُوا الْخَيْرَاتِ ۚ إِلَى اللَّهِ مَرْجِعُكُمْ جَمِيعًا فَيُنَبِّئُكُم بِمَا كُنتُمْ فِيهِ تَخْتَلِفُونَ

وَأَنِ احْكُم بَيْنَهُم بِمَا أَنزَلَ اللَّهُ وَلَا تَتَّبِعْ أَهْوَاءَهُمْ وَاحْذَرْهُمْ أَن يَفْتِنُوكَ عَن بَعْضِ مَا أَنزَلَ اللَّهُ إِلَيْكَ ۖ فَإِن تَوَلَّوْا فَاعْلَمْ أَنَّمَا يُرِيدُ اللَّهُ أَن يُصِيبَهُم بِبَعْضِ ذُنُوبِهِمْ ۗ وَإِنَّ كَثِيرًا مِّنَ النَّاسِ لَفَاسِقُونَ

Coran 5 : 48-49

Al-jāhiliyyah, c’est la tendance à confondre le Bien et les intérêts de sa communauté 

Une personne tombe dans la jāhiliyyah lorsqu’elle confond le Bien commun avec les intérêts de sa communauté culturelle, religieuse, politique ou socio-économique. Elle considère alors que tout ce que pense et fait sa communauté est bon, vrai et juste. Le mal et l’injustice, ce sont les autres. Cette façon de raisonner est une forme d’égoïsme collectif, communautariste, nationaliste ou ethnocentré. 

L’obscurantisme se manifeste sous la forme d’un égoïsme collectif où chaque membre peut être solidaire avec sa communauté même dans l’injustice, et où il peut être hostile aux autres, même s’ils sont dans la justice. L’obscurantisme commence par l’obéissance aveugle à sa communauté d’appartenance (religieuse, culturelle ou socio-politique) ou à sa nation, et par le conflit aveugle contre ceux qui n’en font pas partie. Cet obscurantisme conduit vers l’injustice collective. Le prophète invite chacun à une façon d’agir plus sage : 

« Si quelqu’un s’engage au combat par allégeance aveugle à tel ou tel groupe ou par hostilité aveugle contre tel ou tel groupe, et qu’il est tué au combat, alors il meurt dans un état d’ignorance ».

Ḥadīth Ṣahīh al-Bukhārī, Livre 72, n° 779.

L’amitié, la fraternité, l’entraide et la solidarité, ou au contraire, le conflit et l’opposition ne doivent pas être définis par l’égoïsme collectif d’une communauté donnée. 

Les situations de conflit font souvent ressortir les tendances obscurantistes ou les mauvaises habitudes culturelles et morales qu’on n’arrive plus à maîtriser. Les tendances obscurantistes sont à l’image d’un volcan qui semble éteint mais qui peut ressurgir à tout moment. Par exemple, un jour une dispute éclate entre deux compagnons : Bilal qui était noir et esclave, et Abū Dharr. Ce dernier, pour faire mal au premier, l’humilie en lui rappelant que sa mère est une étrangère (une non-arabe et peut-être une esclave). Le compagnon humilié se plaint auprès du prophète. Ce dernier a dit alors ceci à Abū Dharr : 

« Tu es quelqu’un en qui il est resté un trait jāhilī (obscurantiste). Ce sont vos frères ! ».

إنك امرؤ فيك جاهلية 
هم إخوانكم

Ḥadīth Ṣahīh al-Bukhārī 30

Le prophète a pour vocation de civiliser l’Homme, de le rendre meilleur et plus juste. Il rappelle ici à un compagnon qui croit qu’un esclave ou qu’un non-arabe est un sous-homme, que par nature, on est tous frères et créatures d’un seul et même Dieu. 

Au sein de la civilisation islamique, le racisme, le tribalisme, l’ethnocentrisme et le conflit de classes existaient encore sous la forme d’irruption de pensées et de comportements obscurantistes. Le prophète exposait aux gens la sagesse du Coran pour civiliser ces tendances obscurantistes :

« Ô vous les gens ! Votre Seigneur n’est-Il pas Un, et votre père n’est-il pas un ? Un arabe n’est pas supérieur à un étranger, et un étranger n’est pas supérieur à un arabe. Un blanc n’est pas non plus supérieur à un noir, et un noir n’est pas non plus supérieur à un blanc. La seule différence au regard de Dieu est la piété ». 

يا أيها الناس ألا إن ربكم واحد وإن أباكم واحد. ألا لا فضل لعربى على أعجمى ولا لعجمى على عربى ولا لأحمر على أسود ولا أسود على أحمر إلا بالتقوى

Ḥadīth Ahmad

L’obscurantisme arabe encourageait la solidarité du « Nous contre les autres » indépendamment du souci de justice. Par exemple, cette façon de penser s’illustre à travers ce proverbe populaire :

« Apporte ton aide à ton frère, qu’il soit injuste ou opprimé ». 

انصر أخاك ظالما أو مظلوما   

Fat’h al-Bârî, Tome 5, commentaire de 2311.

Le prophète Muhammad (paix sur lui) a repris cette formule en en réformant le sens : 

« Apporte ton aide à ton frère, qu’il soit injuste ou opprimé. Empêche-le d’accomplir son injustice, c’est ainsi que tu pourras l’aider ! ». 

Ḥadīth rapporté par al-Bukhārī dans son Ṣahīh n°6952 et Muslim dans son Ṣahīh n°2584.

Apporter son aide à son frère lorsqu’il subit une injustice est un conseil sage qui se comprend facilement. Mais apporter son aide à son frère alors qu’il est coupable d’injustice, aucune sagesse ne peut le soutenir. 

Le prophète rappelle à chacun d’entre nous que nous avons un devoir d’assistance aux membres de notre famille ou de notre communauté qui se comporteraient de façon injuste, précisément en résistant à leur injustice, par le conseil, par la critique et par l’action appropriée.  

Autrement dit, nous ne devons pas être solidaires avec les nôtres en cautionnant ou en participant à leur injustice. Nous devons exprimer notre solidarité en nous encourageant mutuellement au bien et en résistant à l’injustice :

« (…) Soyez plutôt solidaires dans la piété et la crainte de Dieu et non dans le crime et l’agression ! Craignez Dieu, car Dieu est ferme quand Il punit ».

وَتَعَاوَنُوا عَلَى الْبِرِّ وَالتَّقْوَىٰ ۖ وَلَا تَعَاوَنُوا عَلَى الْإِثْمِ وَالْعُدْوَانِ ۚ وَاتَّقُوا اللَّهَ ۖ إِنَّ اللَّهَ شَدِيدُ الْعِقَابِ

Coran 5 : 2

Al-jāhiliyyah, c’est l’obscurantisme moral, dans sa façon d’agir et de vivre avec les autres

Introduction

Al-jāhiliyyah, c’est l’obscurantisme moral, dans sa façon d’être et d’agir envers Dieu, envers les autres et envers la nature. Prenons quelques exemples pour illustrer la tendance vers l’obscurantisme moral dans la vie de couple, en famille et en société. 

L’obscurantisme dans la vie de couple 

Dans les relations homme-femme, l’obscurantisme peut se manifester de différentes manières : par exemple, dans l’image dévalorisante que les hommes peuvent avoir des femmes et dans le mauvais traitement qui en résulte. En ce sens, dans la culture arabe d’avant l’islam, les hommes se croyaient supérieurs aux femmes par nature. Ils croyaient qu’ils pouvaient exiger tout d’elles sans avoir aucune obligation de respecter leurs droits en retour. 

Les musulmans qui ont adhéré à la voie de Dieu ont accepté que l’islam réforme et civilise leurs sentiments, leurs idées et leurs comportements. En ce sens, par exemple, le compagnon Omar ibn al-Khattâb raconte au jeune ibn Abbâs comment l’islam a civilisé le rapport que les hommes entretenaient à l’égard des femmes :

« Dans la jāhiliyyah, nous n’avions pas de considération pour les femmes. Puis, lorsque l’islam et que Dieu se sont exprimés sur le sujet, nous avons commencé à comprendre qu’elles avaient des droits sur nous (…) ». 

Ḥadīth Ṣahīh al-Bukhārī, n° 5505.

De nos jours, parmi les discours féministes, se développe un nouvel obscurantisme inversé qui peut se résumer ainsi : « Dans un conflit homme-femme, tout ce qu’une femme dit est vrai, et tout ce que dit un homme est faux ». Le bien est désormais synonyme de féminin et le mal est synonyme de masculin. La solidarité entre femmes est devenue un devoir moral indépendamment de la justice. Cet extrémisme se comprend facilement mais il reste un extrémisme.

Par ailleurs, l’homme et la femme ont différents pouvoirs : le pouvoir de connaître, de convaincre, d’agir, de séduire, d’éduquer, d’exercer une autorité… Pour chaque pouvoir possédé, il y a une responsabilité. L’obscurantisme commence lorsqu’on fait un mauvais usage de ses pouvoirs, lorsqu’on les utilise en provoquant du mal et de l’injustice autour de soi. Par exemple, en tant que professionnel de la santé, on peut faire un usage injuste de son intelligence en la mettant au service d’une entreprise ou d’une institution qui dégrade la santé publique plus qu’elle ne la soigne. 

De même, dans les relations homme-femme, on peut séduire une personne par jeu, par désir de dominer, sans vouloir s’engager de façon responsable. Ces attitudes sont des formes d’obscurantisme car elles créent des malentendus, des attentes, des conflits et des souffrances dans la société. Il existe d’autres façons d’être, de cultiver l’amour entre un homme et une femme, qui sont plus justes. 

A titre d’illustration, dans le Coran, Dieu alerte les femmes du prophète contre cette tendance humaine obscurantiste qui consiste à être dans la séduction avec les autres alors même qu’on est déjà marié. Cette tendance est d’autant plus destructrice qu’il s’agit des femmes du prophète, des femmes qui ont une valeur sociale particulière, des femmes qui peuvent être instrumentalisées pour affecter l’intégrité d’une personnalité publique. C’est pourquoi Dieu les interpelle ainsi : 

« Ô vous les femmes du prophète ! Vous n’êtes pas des femmes comme les autres. Si vous craignez Dieu, ne vous montrez pas trop complaisantes dans vos propos, afin de ne pas éveiller de désirs coupables dans certains cœurs malsains. Soyez décentes dans vos propos. Restez avec dignité dans vos maisons ! N’étalez pas avec coquetterie votre beauté à la manière des femmes de l’ancienne ignorance. Faites la prière, faites l’aumône, obéissez à Dieu et à Son envoyé. Ô gens de la Maison du prophète, Dieu veut seulement écarter de vous la dégradation et vous purifier complètement ».

يَا نِسَاءَ النَّبِيِّ لَسْتُنَّ كَأَحَدٍ مِّنَ النِّسَاءِ ۚ إِنِ اتَّقَيْتُنَّ فَلَا تَخْضَعْنَ بِالْقَوْلِ فَيَطْمَعَ الَّذِي فِي قَلْبِهِ مَرَضٌ وَقُلْنَ قَوْلًا مَّعْرُوفًا

وَقَرْنَ فِي بُيُوتِكُنَّ وَلَا تَبَرَّجْنَ تَبَرُّجَ الْجَاهِلِيَّةِ الْأُولَىٰ ۖ وَأَقِمْنَ الصَّلَاةَ وَآتِينَ الزَّكَاةَ وَأَطِعْنَ اللَّهَ وَرَسُولَهُ ۚ إِنَّمَا يُرِيدُ اللَّهُ لِيُذْهِبَ عَنكُمُ الرِّجْسَ أَهْلَ الْبَيْتِ وَيُطَهِّرَكُمْ تَطْهِيرًا

Coran 33 : 32-33

A travers cet exemple coranique, on comprend que dans les relations homme-femme, al-jāhiliyyah, c’est aussi l’ignorance des impacts de nos actes sur l’autre, sur la crise de confiance et la souffrance que l’on peut provoquer chez l’autre, parfois sans s’en rendre compte.  

Par exemple, lorsque le couple veut divorcer, l’obscurantisme peut ressurgir dans la façon de gérer le conflit. En ce sens, l’homme peut divorcer de sa femme sans respecter la bienséance : sans prendre du temps supplémentaire avant de prendre une décision définitive, sans consulter les deux familles pour essayer d’arranger les choses, et si la décision est maintenue, sans s’engager à soutenir financièrement l’éducation des enfants, etc.

L’obscurantisme dans la vie de famille

Dans la vie de famille, l’obscurantisme peut se manifester dans les relations entre frères et sœurs. Par exemple, enfants, des frères se jalousent et se disputent l’amour de leurs parents. Certains parmi eux, par ignorance, sont capables du pire envers leurs propres frères. Tel était le cas des frères de Joseph (paix sur lui) qui voulaient avoir l’attention de leur père. Ils ont laissé leurs passions, leur jalousie leur dicter leur conduite. Ils alors tenté de tuer leur petit frère. Plus grand, Joseph est devenu ministre. Il a reçu la visite de marchands qui se sont révélés être ses propres frères. Ces derniers ne l’ont pas reconnu :

« Il (Joseph) dit : ‘’Savez-vous ce que vous avez fait de Joseph et de son frère alors que vous étiez ignorants (jāhilūn) ?’’ ». 

قَالَ هَلْ عَلِمْتُم مَّا فَعَلْتُم بِيُوسُفَ وَأَخِيهِ إِذْ أَنتُمْ جَاهِلُونَ

Coran 12 : 89

La jalousie est un sentiment qui peut animer n’importe quelle personne. Mais prendre la jalousie comme moteur pour agir, est un acte obscurantiste, car c’est laisser une valeur destructrice nous pousser à commettre une injustice. 

L’obscurantisme dans la vie sociale 

Dans la vie sociale, l’obscurantisme, ce peut être participer à des discussions totalement inutiles, qui tournent très vite à la médisance et à la calomnie :

« Quand ils entendent des propos futiles, ils s’en détournent en disant : ‘’A nous nos actions, à vous vos actions. Que la paix soit sur vous ! Nous ne cherchons pas à convaincre les ignorants !’’ ». 

وَإِذَا سَمِعُوا اللَّغْوَ أَعْرَضُوا عَنْهُ وَقَالُوا لَنَا أَعْمَالُنَا وَلَكُمْ أَعْمَالُكُمْ سَلَامٌ عَلَيْكُمْ لَا نَبْتَغِي الْجَاهِلِينَ

Coran 28 : 55

Les personnes qui cherchent à vivre selon la volonté de Dieu, c’est-à-dire selon la sagesse, ne se laissent pas embarquer dans des propos futiles ou encore, dans des provocations et des conflits futiles. Ils restent humbles et s’efforcent de se concentrer sur l’essentiel. Ils observent les signes dans l’univers, ils témoignent que Dieu fait tourner le monde, ils font l’effort d’agir en conséquence en se donnant pour les autres, en donnant sans excès, en refusant de donner un faux témoignage, en cherchant à goûter à la joie auprès de leurs femmes et de leurs enfants sans oublier de rechercher la vie dernière… Lorsqu’ils croisent des gens agités par leurs passions, ils réagissent avec grandeur d’âme : 

« Les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui marchent sur la terre avec humilité et qui, lorsque les ignorants leur parlent, répondent ‘’Paix !’’ ».

وَعِبَادُ الرَّحْمَٰنِ الَّذِينَ يَمْشُونَ عَلَى الْأَرْضِ هَوْنًا وَإِذَا خَاطَبَهُمُ الْجَاهِلُونَ قَالُوا سَلَامًا

Coran 25 : 63

Conclusion

Abū Jahl ou « le père de l’ignorance » : tel est le surnom donné au plus violent opposant contre l’islam. A lui seul, il concentre toutes les tendances que l’islam veut réformer et rendre meilleures. Qu’est-ce qui en fait le chef de l’ignorance ? Dans sa façon de penser, il suit son égo, ses croyances, ses superstitions, sa tradition, son clan, plus que la vérité. Quand il est amené à arbitrer, il tranche toujours en faveur de son clan au lieu de défendre la justice. Le bien se confond chez lui avec les intérêts de son clan. Sa façon de penser le pousse à multiplier les injustices envers les autres et envers les musulmans notamment. Il ment, il trompe, il humilie, il persécute, il vole, au nom de ses idoles, de sa tradition et de son égo. 

De façon plus générale, l’Homme de la jāhiliyyah, c’est une personne brute ou non-civilisée, une personne qui a un caractère dur, qui est grossière, qui vit dans l’ignorance, dans la pensée magique et le conformisme. Elle ne se laisse pas grandir par l’éducation, les bonnes manières, la sagesse et la connaissance. 

Al-jāhiliyyah, c’est donc l’ignorance et l’obscurantisme sous toutes leurs formes : les mythes, les superstitions, les opinions sans fondement ; les passions et les désirs incontrôlés ; le doute lorsqu’il cache en fait un renoncement au devoir de rechercher la vérité objective ; l’aliénation, l’imitation aveugle de sa tradition ou de ses chefs politiques et religieux ; la solidarité aveugle avec sa communauté – politique, culturelle, religieuse ou économique – même en situation d’injustice…

Cette conception de la jāhiliyyah était bien comprise à la naissance de la civilisation islamique. La jāhiliyyah était la voie inverse de la civilisation que le Coran et que le prophète venaient former. Par exemple, Ja’far ibn Abīālib est allé à la rencontre du Négus d’Abyssinie qui l’a interrogé sur le sens de l’islam. Voici la réponse que le musulman lui exprime : 

« Ô Roi, nous étions des gens de la jāhiliyyah (de l’obscurantisme) : nous adorions des idoles, mangions la bête non abattue de la façon voulue, commettions des choses impudiques, coupions des liens familiaux, avions de mauvaises relations de voisinage, et le fort parmi nous mangeait le faible. Nous étions ainsi, jusqu’à ce que Dieu nous envoie un messager issu de nous-mêmes ».

Ibn Hishām, al-Sīrah.

Pourquoi l’être humain a tendance à préférer la façon de penser ou de juger de l’obscurantisme « hukm al-jāhiliyyah », c’est-à-dire le jugement basé sur les ouï-dire, sur l’opinion infondée ou sur celle de la majorité, sur la tradition, sur le communautarisme ou le nationalisme, ou encore sur les passions personnelles destructrices ? C’est ainsi que Dieu interpelle la conscience de chacun :

« Est-ce donc le jugement de l’Ignorance (hukm al-jāhiliyyah) qu’ils recherchent ? Mais qui donc est meilleur juge que Dieu pour des gens qui sont convaincus avec certitude ? ».

أَفَحُكْمَ الْجَاهِلِيَّةِ يَبْغُونَ وَمَنْ أَحْسَنُ مِنَ اللَّهِ حُكْمًا لِّقَوْمٍ يُوقِنُونَ

Coran 5 : 50

A l’opposé de la voie de la jāhiliyyah, le Coran invite la famille humaine vers une autre voie, celle de la civilisation. Une personne ou une communauté civilisée est courtoise ; elle respecte la bienséance et cultive la connaissance objective et utile à la lumière de la sagesse ; elle a un sens développé du bien et de la justice qu’elle s’efforce d’appliquer dans toutes les situations de la vie quotidienne individuelle et collective. 

Reconnaître que Dieu existe, que Dieu est Unique, Créateur de tout, c’est accepter de s’engager dans la voie de la civilisation. C’est ne pas se fier aveuglément à ses acquis, à sa culture, à sa communauté, aux effets de mode, aux idées dominantes de l’époque… C’est accepter de faire l’effort de voir la part de jāhiliyyah (d’obscurantisme) et de munkar (de choses détestables, de mal) dont toute époque, toute société et toute communauté humaine est porteuse. C’est accepter de s’ouvrir à une sagesse universelle plus grande et plus juste que l’opinion d’une personne, que la tradition d’une communauté ou d’une époque. C’est préférer la connaissance à l’ignorance, la sagesse à ses passions ou à celles de sa société.

Aujourd’hui, résister à la jāhiliyyah, c’est faire l’effort de résister à tout ce qui conduit à une injustice dans sa façon de penser, d’agir et de vivre. Quel effort devons-nous donc faire pour civiliser les valeurs, les idées, nos habitudes, les tendances et les actions qui nous poussent vers un obscurantisme moderne ?

Quelles sont les formes modernes d’obscurantisme et de barbarie ? Edgar Morin avait compris que la barbarie n’est pas du passé mais se manifeste à chaque époque :

« Les plus anciennes barbaries s’emparent depuis toujours des plus récents progrès techniques ».1

Par exemple, la généralisation de la solitude sous ses différentes formes – le célibat, les divorces et les maisons de retraite… – ; et la crise de la relation Homme-Dieu-Nature qui a conduit à la crise écologique planétaire : n’est-ce pas là des formes modernes de barbarie et d’obscurantisme ?

Ou encore, au 21e siècle, où se développe la société de l’information, le numérique, la nouvelle économie de la connaissance, l’intelligence artificielle… : n’est-on pas face à une nouvelle forme d’obscurantisme qui se manifeste par la paresse, par le conformisme, par l’incapacité à appliquer un jugement critique et éthique, et par la manipulation économique et politique de l’information sur la vie privée ? 

Ainsi, sortir de la jāhiliyyah ou de l’Obscurantisme, civiliser l’Homme et la vie en société, cela reste le défi de toute génération et de toute époque, y compris la nôtre.

Notes

  1. Cité dans le livre d’André-Yves Portnoff, Hervé Sérieyx (2019), Alarmes, citoyens ! – Sinon, Aux larmes ! Éditions EMS.

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