Shaykh Tâhâ Jâbir al-‘Alwanî, Islam et sécularisation : quel paradigme de la connaissance ?


Introduction

Shaykh al-‘Alwanî offre une analyse comparative du paradigme de la connaissance que proposent l’islam et la sécularisation. Le paradigme de la connaissance, c’est la vision de la connaissance ; du modèle de connaissance fiable, objective et universelle ; des sources légitimes à utiliser pour connaître ; des sujets légitimes à connaître ; des méthodes à suivre pour connaître ; des conditions de validité d’une connaissance, etc.

L’islam offre cinq grandes sources de connaissances :

  1. le Livre révélé ou le Coran,
  2. l’exemple du prophète ou la Sunnah,
  3. le Livre créé ou l’univers,
  4. la raison,
  5. et les sens.

La sécularisation réduit la connaissance à trois sources :

  1. l’univers,
  2. la raison,
  3. et les sens.

Elle exclut les deux premières sources de l’islam. En ne suivant pas les mêmes sources pour atteindre la vérité et produire des connaissances, est-ce qu’on arrive au même résultat ? La connaissance qui nie Dieu et celle qui Le reconnaît ont-elles le même impact sur le monde ? Pour être neutre, faut-il faire comme si Dieu n’existait pas ou bien au contraire, faut-il reconnaître que Dieu existe ? Faut-il mettre Dieu et la religion de côté pour pouvoir atteindre le progrès ? Peut-on profiter de la modernité occidentale sans en subir les impacts négatifs ? Faut-il « réconcilier islam et occident » ?      En quoi la sécularisation du monde pose problème ? Qu’est-ce que l’islam apporte, en tant que source de connaissance ? Telles sont les questions que nous allons explorer avec Shaykh al-‘Alwānī.

« Pas de science, pas de progrès, sans marginalisation de Dieu »

La sécularisation est un courant intellectuel occidental qui est venu concurrencer l’Eglise et remettre en cause ses fondements. Avec le temps, ce courant a remplacé l’autorité de l’Eglise. Puis il a encadré le processus d’occidentalisation du monde. En ce sens, partout dans le monde, l’occident va chercher à diffuser ses croyances, ses cultures, ses connaissances, ses techniques, ses marchandises, ses services, ses façons de faire et ses façons de vivre.

Les nouvelles générations d’intellectuels du Tiers-monde sont allés à l’école laïque dont le savoir a été sécularisé. Elles ont baigné dans une culture qui a fait de la religion et de la tradition un exotisme ou une étrangeté. Au mieux, elle a fait de la religion une source de « spiritualité » pour son bien-être individuel.

C’est pourquoi ces nouvelles générations d’intellectuels ont intériorisé une chaîne de raisonnement biaisés :

« Pour atteindre le progrès, il faut développer la science et pour développer la science, il faut passer par la sécularisation, c’est-à-dire par la marginalisation de la religion, de Dieu et de la révélation ».

Shaykh al-‘Alwanî analyse ainsi cette évolution :

« De plus, étant donné que d’après l’expérience de l’Occident, le progrès politique, économique et intellectuel n’a commencé qu’après avoir marginalisé l’influence de l’Église, les gens des colonies ont cru qu’ils devraient marginaliser l’influence de leurs religions particulières afin d’atteindre un degré de progrès similaire. Selon les termes du nouveau paradigme, il est absurde de se tourner vers la religion pour trouver des solutions aux problèmes contemporains, car la religion est considérée comme quelque chose d’archaïque qui est propre au commencement de la formation de l’humanité, propre à l’âge “obscur” de la superstition et du mythe dont le temps est maintenant révolu. En tant que telle, la religion n’a aucune pertinence pour le présent et toutes les tentatives de la faire revivre sont vouées à l’échec et constituent une perte de temps »[1].

Ainsi, la modernité est l’époque qui répète cette vérité du moment : « Pas de science, pas de progrès, sans marginalisation de Dieu ». Les élites du monde musulman et d’ailleurs ont intériorisé cette vérité de l’époque avec un faible recul critique, sans en mesurer les impacts.

La sécularisation a changé la façon de penser, d’agir et de vivre ; la façon de faire la science et de l’art ; la façon de voir la religion et la société ; la façon de voir la famille et l’économie, etc. Au terminus du processus de sécularisation, il y a « la mort de Dieu » ou plutôt l’exclusion de Dieu, de la religion et de la morale de la sphère publique. La production de la connaissance et l’enseignement étant des activités publiques, elles ont exclu Dieu, la révélation et la prophétie comme sources de connaissances.

Peut-on profiter du bien de la modernité occidentale sans en subir les impacts négatifs ?

Peut-on suivre la sécularisation pour développer la science et le progrès, tout en gardant ses convictions religieuses ? Ce serait l’idéal. Mais dans les faits, est-ce possible ?

« Beaucoup supposent qu’il est possible d’accepter le modèle occidental de paradigme laïc tout en conservant des pratiques et des croyances religieuses. Ils estiment qu’une telle acceptation n’a aucun impact négatif sur leur vie quotidienne tant qu’elle ne détruit pas leurs lieux de culte ou ne restreint pas leur droit à la liberté religieuse. Ainsi, il ne reste guère de communauté contemporaine qui ne soit pas tombée sous l’emprise de ce paradigme. En plus, c’est ce paradigme qui a eu la plus grande influence sur la façon dont les différents peuples perçoivent la vie, l’univers et le rôle de l’humanité, tout en leur fournissant un ensemble de croyances alternatives (si nécessaire) et en suggérant des réponses aux questions ultimes »[2].

En fait, les idées, les techniques, les connaissances, les institutions, les marchandises, les industries et les dispositifs que l’occident mondialise ne sont pas de simples « choses » que l’on peut prendre et utiliser sans engagement. Ce sont des systèmes vivants, des objets complexes qui sont dans une relation d’interdépendance avec d’autres objets et d’autres systèmes.

On ne peut pas profiter d’un objet, d’une technique, d’une connaissance, d’une institution…, sans en subir les effets de dépendance et de rétroaction. Par exemple, on ne peut pas profiter de la voiture sans hériter des problèmes inhérents : les rapports de force, les embouteillages, les accidents, la pollution et la destruction de la nature. On ne peut pas profiter de la voiture sans hériter du capitalisme qui l’a vue naître et qui propose des crédits pour s’en acheter une, et la changer de plus en plus en souvent.

C’est pourquoi, au lieu de croire qu’on peut simplement profiter de la voiture, on doit se demander si les différents impacts négatifs de cette solution en valent la peine ou si, au contraire, les sociétés doivent être plus critique et créatives pour développer des formes de transport plus adaptées et moins polluantes.

Faut-il « réconcilier islam et occident » ?

Réconcilier « islam et occident », « islam et progrès », « islam et science »… : telles sont les idées qui ont motivé des générations d’intellectuels et de sociétés musulmanes, depuis le début du 20e siècle.

La vision occidentale du monde a influencé la vision que les musulmans se font de l’univers, de la nature, de l’homme et d’eux-mêmes. En ce sens, par exemple, shaykh al-‘Alwānī analyse le type d’influence subie :

« Pour ces apologistes, l’islam ne touche que la vie “spirituelle” de ses adeptes et peut donc être considéré comme un autre maillon de la chaîne rouillée des “religions”. Pour ces “penseurs”, les concepts de shûrâ et de khilâfah correspondent aux idéaux occidentaux de démocratie et de républicanisme, tandis que la zakah correspond au socialisme et à la justice sociale ! »[3].

En somme, au lieu de développer un regard critique et créatif, l’esprit musulman est devenu excessivement et aveuglément conformiste vis-à-vis de l’occident, au point de subir chaque vague d’erreurs et de crises que l’occident génère et subit en premier.

En quoi la sécularisation du monde pose problème ?

La sécularisation n’a pas simplement produit des effets positifs en offrant les conditions de production d’un savoir fiable. Elle a aussi produit des effets négatifs qui ne sont pas simplement des effets pervers involontaires mais des conséquences inhérentes prévisibles.

La sécularisation a entraîné le dualisme dans l’éducation et dans l’esprit musulman

La sécularisation a diffusé un savoir qui a produit deux systèmes éducatifs : le système religieux traditionnel et le système moderne des sciences naturelles et humaines, des grandes écoles de commerce et d’ingénieurs. Elle a produit « deux cerveaux » pour raisonner : le « cerveau » laïc pour les sujets de la vie et le « cerveau » religieux pour les sujets liés à l’invisible et à la vie future. Elle a produit deux sociétés : les laïcs modernes et les religieux traditionnels. On est dans une forme de schizophrénie généralisée.

« En plus, dans le monde musulman, il existe deux courants d’éducation. Le premier, qui produit les experts techniques, les scientifiques, les spécialistes des sciences sociales, les intellectuels et les faiseurs d’opinion publique, est fondé sur le paradigme positiviste laïque et fonctionne entièrement dans ce cadre. Le deuxième courant, peut-être moins valorisé, est celui de l’éducation religieuse. Cependant, les sources de ce courant doivent davantage à la tradition qu’à une quelconque compréhension des paramètres d’un paradigme de connaissance véritablement islamique »[4].

La sécularisation a séparé la production de la connaissance du sens de l’éthique et de la sagesse

La sécularisation part du présupposé que la connaissance est totalement objective en ce sens qu’elle ne contient pas de valeur. Elle présuppose que la science est amorale. Or elle a créé une séparation purement fictive entre connaissance et valeurs. En effet, dans la réalité, les valeurs occidentales influencent et orientent la production, la sélection, l’interprétation et l’utilisation des connaissances.

En fait, la valeur donne à la connaissance sa finalité – l’objectif pour lequel on veut produire telle connaissance –, sa valeur – ce qui vaut d’être connu ou non – et son sens : comment telle connaissance nous éclaire sur notre place et notre rôle dans le monde.

La sécularisation, avec la postmodernité, a conduit à la déconstruction systématique du monde comme forme d’analyse. Mais la déconstruction s’accompagne de moins en moins de l’effort de reconstruction. Tout se passe comme si le pouvoir d’analyse aboutissait à la destruction et à l’impasse. Tout se passe comme si la sécularisation a abouti à la déconstruction qui a elle-même abouti au non-sens général.

Vers un paradigme islamique alternatif de la connaissance pour éviter de subir les mêmes crises que l’occident moderne

Le musulman a besoin de développer un paradigme de la connaissance alternatif au paradigme occidental sécularisé.

Le projet de développer un paradigme islamique alternatif de la connaissance, consiste-t-il à développer une connaissance vraie et bonne pour les musulmans, indépendamment de tous les autres et de la réalité? Autrement dit, n’est-ce pas remettre en cause l’objectivité et l’universalité de la connaissance ?

Une telle remise en cause serait absurde et inacceptable car ce serait tomber dans la vision relativiste et ethnocentrée selon laquelle tout est relatif à soi, à sa communauté et à sa représentation du monde, sans qu’il n’existe de monde commun objectif. Ce serait tomber dans une « science » sectaire et non-universelle, c’est-à-dire dans tout le contraire de la science.

En réalité, le paradigme islamique de la connaissance vise à produire une connaissance plus objective et plus universelle que celle de la connaissance sécularisée :

« Une telle alternative combine les perspectives islamiques et universalistes, aborde les problèmes intellectuels et conceptuels de toute l’humanité, et pas seulement des musulmans, et inclut une reconstruction des concepts de la vie, de l’humanité et de l’univers basée sur le tawhîd »[5].

Mais comment le paradigme islamique peut-il produire une connaissance universelle s’il utilise des sources de connaissances qui sont particulières : le Coran et la Sunnah ?

C’est là que réside toute la confusion qui doit être dissipée. Le Coran et la Sunnah sont justement porteurs de connaissances fiables et d’une sagesse universelle. Aucune contradiction n’est possible entre le Livre révélé et la Sunnah, entre le Livre révélé et le Livre créé ou l’univers, entre le Livre révélé et la raison, ou encore, entre le Livre créé et la raison. Que l’on veuille connaître Dieu ou l’être humain, la nature ou le monde invisible, la vie présente, la mort ou la vie future…, le paradigme islamique de la connaissance exige de produire une connaissance objective universelle.

Quel est donc le contenu d’un paradigme islamique alternatif de la connaissance ?

Prendre le Tawhîd comme principe directeur qui inspire et façonne la connaissance

Alors que la vision laïque de la connaissance observe le monde en faisant comme si Dieu n’existe pas, la vision islamique observe le monde en reconnaissant son existence et son rôle de Créateur :

« La vision islamique de la connaissance prend comme point de départ le concept de tawhîd (unicité) qui structure la façon de définir Dieu »[6].

Quel est le lien entre le tawhîd et l’épistémologie ? Quel est le lien entre la vision de Dieu et la vision de la connaissance ?

C’est Dieu l’Unique qui a tout créé et qui a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas. C’est Lui qui a donné à l’homme les capacités d’observer, de connaître, de lire, d’écrire, de calculer, de réfléchir et d’agir. C’est Lui qui lui a enseigné

« le nom de toutes choses »

Coran 2 : 31.

C’est Lui qui lui a inspiré la curiosité qui le pousse à chercher à connaître le monde et à se connaître lui-même.

« Il (Dieu) a également envoyé des messagers pour présenter Sa révélation et expliquer, au moyen des Écritures, toutes les questions liées à l’invisible, permettant ainsi aux êtres humains de consacrer leur énergie à donner un sens au monde physique, à exploiter sa puissance pour le bien commun, à découvrir ses lois et ses mystères et à élaborer des méthodologies pour traiter la révélation »[8].

En tant que principe épistémologique, le Tawhîd conduit l’être humain vers la connaissance objective et universelle :

« Ce paradigme inclut également de nombreuses caractéristiques fondamentales qui peuvent être utiles pour faire émerger une vision humaine véritablement globale et universaliste. Parmi celles-ci figurent l’humanité, l’utilité, l’harmonie, la positivité, la stabilité, la globalité, l’universalité, la méthodologie, l’intermédiation, la vision d’ensemble, la bonne orientation, la spiritualité, le développement et l’ouverture »[9].

Prendre la révélation comme source de connaissance objective et universelle

Le paradigme laïc de la connaissance pose que l’invisible n’existe pas et par conséquent, il ne doit pas être pris en compte dans l’étude et la gestion du monde visible.

Dans le paradigme islamique de la connaissance, l’invisible – et à plus forte raison Dieu – a un impact direct majeur dans l’étude et la gestion du monde visible. En effet, reconnaître que Dieu existe, c’est accepter d’étudier et de gérer le monde visible en fonction de la volonté de Dieu, c’est-à-dire : produire de la connaissance dans le but de produire un monde meilleur et plus juste. Dieu est La source de connaissance par excellence, à travers le Livre révélé, le Livre créé et les capacités de connaître qu’Il a donné à l’être humain.

La révélation ne propose pas simplement des croyances mystérieuses sur les choses « religieuses », sur l’invisible, sur le culte et sur la vie future. Bien plutôt, elle offre une connaissance objective qui porte sur la relation réelle entre l’homme, Dieu et la nature.

En s’appuyant à la fois sur sa raison, sur l’étude de l’univers, sur l’étude du Coran et sur l’étude de la prophétie, l’être humain développe une plus grande capacité à connaître le monde de façon objective et universelle.

S’ouvrir à la révélation divine, c’est s’ouvrir à un savoir plus universel et plus juste :

« En s’appuyant sur la prophétie et sur la révélation dont il a hérité, le musulman ajoute à son orientation intellectuelle une dimension d’universalité, d’humanité et d’éthique »[10].

S’ouvrir au tawhîd, c’est se protéger contre l’égocentrisme individuel et collectif et ses impacts destructeurs sur la connaissance :

« En outre, le tawhîd et l’acceptation de Dieu comme source de connaissance empêchent le musulman de dépendre indûment de son moi (avec ses tendances vaines et démesurées) et de chercher à cacher la connaissance aux autres »[11].

Prendre la révélation et la Sunnah comme source de connaissances, est-ce rejeter la raison ?

Le Coran et la Sunnah offrent une connaissance objective et universelle sur le monde. Ils complètent la connaissance que l’on peut dégager de l’étude de l’univers :

« Le Coran et la Sunnah représentent tous deux des sources de connaissances révélées qui complètent l’univers naturel. De plus, la révélation peut être considérée comme une source créative pour construire ses convictions, pour penser, pour voir le monde et pour conceptualiser les choses. La révélation donne également un ordre pour établir les concepts humains ; clarifie les relations entre Dieu, l’humanité et l’univers, puis les régule de manière à développer une société intégrée basée sur le tawhîd »[12].

Par ailleurs, la Sunnah donne à voir l’exemple du prophète, la façon dont il enseigne et met en pratique la sagesse du Coran pour faire face aux questions et aux difficultés du jour.

En effet, grâce à l’exemple du prophète, on peut mieux comprendre et mieux dépasser le dilemme entre le relatif et l’absolu, entre le particulier et le général, entre le réel et l’idéal. Alors que l’être humain a tendance à se dire : « La religion, c’est bien en théorie. Mais en pratique, on est contraint de faire autrement », la révélation et la Sunnah viennent montrer comment on peut faire entrer progressivement l’idéal – c’est-à-dire la sagesse ou la volonté de Dieu – dans la vie réelle ; comment on peut traduire une valeur générale dans une situation particulière ; comment on peut concrétiser la volonté de Dieu dans les petites choses de la vie…

Mais alors, prendre le Coran et la Sunnah comme source de connaissances, est-ce rejeter la raison ? Non. La révélation ne remplace pas la raison. Comme l’univers, elle offre à la raison une matière à réfléchir : des signes[13], des messages, des lois, des vérités et une sagesse à découvrir.

Prendre la révélation et la Sunnah comme source de connaissance, ce n’est pas rejeter la raison. D’autant qu’on ne peut pas comprendre la révélation, la Sunnah et l’univers sans la raison. La raison est donc nécessaire mais pas autosuffisante.

D’ailleurs, la raison n’est pas le seul instrument dont l’être humain dispose pour connaître le monde : il y a différents instruments dont les sens, l’expérience et l’intuition… :

« En plus de la révélation comme source de connaissance, il existe d’autres sources et moyens, tels que la raison, les sens, l’intelligence, l’intuition et l’expérience (y compris l’expérimentation et l’observation) »[14].

Exercer sa raison et ses différents instruments de connaissances, ce n’est donc pas concurrencer ou désobéir à la religion. Bien au contraire, c’est mettre en pratique la religion elle-même. Exercer sa raison n’est pas simplement quelque chose de toléré en islam. Ce n’est pas une option. C’est un devoir religieux vital car il conditionne la réussite de sa vie présente et future.

« En même temps, le paradigme islamique de la connaissance se prête à une activité académique à différents niveaux. Le prophète, par exemple, a dit un jour : ‘’Sois un savant ou un étudiant, mais méfie-toi de la troisième catégorie (l’ignorance), car elle mène à la destruction’’. De cette manière, la diffusion du savoir était assurée car aucun individu et aucune classe ne pouvait en revendiquer le monopole »[15].

En somme, le paradigme islamique de la connaissance remet l’homme à sa juste place ; il remet la raison et les différentes capacités de connaître à leur juste place : sans dévaloriser ni survaloriser, sans rejeter ni diviniser la raison.

La révélation offre à la raison les moyens de bien fonctionner

Pour bien exercer sa raison ainsi que ses différents instruments de connaissance, l’homme a besoin de bien s’orienter selon des principes directeurs qui le rapprochent de la réalité, à savoir : le tawhîd, le khilâfah et la amânah. En effet, reconnaître l’unicité de Dieu, connaître sa place de vice-gérant responsable de tout ce qui se passe désormais sur terre, et accepter sa responsabilité dans la vie présente et future, inspire et façonne une tout autre façon de connaître le monde :

« Le paradigme islamique de la connaissance ajoute à ses sources un certain nombre de principes et de fondements qui sont essentiels à sa nature complète et englobante. Parmi ceux-ci figurent al-khilâfah (la co-gestion du monde) et al-amânah (la responsabilité envers Dieu et envers la société) en tant que facteurs directeurs pour déterminer le sens de la vie pour l’humanité, une vision du monde qui considère ce monde et le suivant comme un continuum unique, et la conviction que l’activité intellectuelle est une responsabilité religieuse et sociale pour laquelle l’individu peut être récompensé ou puni »[16].

En effet, chaque être humain peut être récompensé ou puni selon la façon dont il exerce ou non sa raison ; selon qu’il suit des connaissances fiables pour bien orienter sa vie ou au contraire, selon qu’il suit aveuglément l’opinion, ou encore la mode du moment.

Le paradigme islamique de la connaissance n’est pas une théorie abstraite, une vue de l’esprit ou une utopie. Dieu a donné à l’être humain toutes les capacités nécessaires pour connaître le monde de façon fiable et objective. Cette capacité fait partie de la nature humaine. Le paradigme islamique de la connaissance est basé sur un regard optimiste : toute personne, par nature (selon la fitrah), est capable de bien connaître le monde :

« Le paradigme islamique jouit d’une relation harmonieuse avec la nature humaine (fitrah), qui permet à l’être humain d’ériger certaines normes intellectuelles. C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre le dicton : “Interroge ton cœur (et fais confiance à ce qu’il te dit), même si les soi-disant autorités te disent autre chose »[17].

Ici, interroger son cœur et l’écouter ne doit pas être confondu avec l’éloge de l’égoïsme intellectuel qui consiste à survaloriser systématiquement la confiance en soi et l’opinion personnelle sur tout : sur la réalité et sur ce que les autres peuvent exprimer. Ici, il s’agit d’interroger son cœur et de l’écouter comme une source de connaissance objective. Mais pour être vraiment objective, cette connaissance inspirée par le cœur ne doit pas contredire la connaissance révélée par le Coran ou par l’univers.

Prendre le principe d’unité de la vérité et d’unité de l’humanité pour mieux penser la complexité du monde

Le principe d’unité de la vérité et d’unité de l’humanité donne au paradigme islamique de la connaissance la capacité de reconstruire ce qui a été déconstruit par la postmodernité.

On peut déduire le principe d’unité de la connaissance du Tawhîd. En effet, en tant que principe méthodologique, le tawhîd veut dire que :

« Reconnaître l’existence et l’unité de Dieu, c’est reconnaître la vérité et son unité. L’unité de Dieu et l’unité de la vérité sont inséparables. Elles sont les aspects d’une seule et même réalité. Cela devient évident lorsque nous considérons que la véracité est une qualité de la proposition du tawhîd, à savoir que Dieu est Un. Car si la vérité n’était pas une, alors l’affirmation ‘’Dieu est Un’’ pourrait être vraie, et l’affirmation ‘’une autre chose ou puissance est Dieu’’ pourrait également être vraie. Dire que la vérité est une, c’est donc affirmer non seulement que Dieu est Un, mais aussi qu’aucun autre dieu n’est Dieu si ce n’est Dieu, d’où la combinaison même de la négation et de l’affirmation que la shahâdah véhicule. Lâ ilâhâ illâ Allâh »[18].

On peut déduire le principe d’unité de l’humanité de différents signes du Coran, tels que :

« Ô vous les gens ! Nous vous avons créés d’un homme et d’une femme et vous avons répartis en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez mutuellement. Le plus noble d’entre vous, au regard de Dieu, est le plus pieux. Dieu sait et Il est bien informé (de ce que vous faites) »

يَا أَيُّهَا النَّاسُ إِنَّا خَلَقْنَاكُم مِّن ذَكَرٍ وَأُنثَىٰ وَجَعَلْنَاكُمْ شُعُوبًا وَقَبَائِلَ لِتَعَارَفُوا ۚ إِنَّ أَكْرَمَكُمْ عِندَ اللَّهِ أَتْقَاكُمْ ۚ إِنَّ اللَّهَ عَلِيمٌ خَبِيرٌ

Coran 49 : 13

« Nous ne t’avons envoyé que comme une miséricorde pour les mondes »

وَمَا أَرْسَلْنَاكَ إِلَّا رَحْمَةً لِّلْعَالَمِينَ

Coran 21 : 107

« Il vous a créés d’un seul être dont Il a ensuite fait son conjoint. Et Il a fait descendre pour vous huit couples de bestiaux. Il vous crée dans les ventres de vos mères, création après création, dans trois enveloppes ténébreuses. Tel est Dieu, votre Seigneur, à qui appartient le Royaume. Il n’y a de Dieu que Lui ! Comment pouvez-vous vous en détourner ? »

خَلَقَكُم مِّن نَّفْسٍ وَاحِدَةٍ ثُمَّ جَعَلَ مِنْهَا زَوْجَهَا وَأَنزَلَ لَكُم مِّنَ الْأَنْعَامِ ثَمَانِيَةَ أَزْوَاجٍ يَخْلُقُكُمْ فِي بُطُونِ أُمَّهَاتِكُمْ خَلْقًا مِّن بَعْدِ خَلْقٍ فِي ظُلُمَاتٍ ثَلَاثٍ ۚ ذَٰلِكُمُ اللَّهُ رَبُّكُمْ لَهُ الْمُلْكُ ۖ لَا إِلَٰهَ إِلَّا هُوَ ۖ فَأَنَّىٰ تُصْرَفُونَ

Coran 39 : 6

Purifier la méthodologie de ses éléments négatifs

La méthodologie qui permet de produire de la connaissance produit aussi de l’ignorance, des erreurs et de l’injustice sur terre. C’est pourquoi il y a besoin de la purifier ou de la réformer.

Déconstruire les biais spéculatifs et les postulats arbitraires qui affectent le savoir scientifique

Le savoir scientifique n’est pas « pur » : il est affecté par des biais spéculatifs et des postulats arbitraires. Le paradigme islamique de la connaissance permet de prévenir et de purifier ces biais. De quelle manière ? Par une épistémologie qui pose clairement la hiérarchie des sources de connaissances. En ce sens, aucun discours « scientifique » ou « religieux » n’est acceptable s’il contredit le Livre révélé (le Coran), le Livre créé (l’univers), la Sunnah purifiée et la raison :  

« Le paradigme islamique de la connaissance protège la méthodologie de la spéculation et du caprice. Par conséquent, le principe islamique peut servir de protection contre tous ces éléments, car il ne laisse aucune place à l’acceptation de quoi que ce soit provenant de l’extérieur des sources établies. Ceci est important, car même jusqu’à notre époque, l’humanité n’a pas été capable de se débarrasser ou de dépasser la spéculation, le caprice et autres travers similaires »[22].

Prenons un exemple de biais spéculatif moderne. Aujourd’hui, lorsqu’on étudie la sociologie du couple et de la famille dans les universités modernes, il y a un postulat implicite qui structure toutes les études : l’état normal, c’est l’état d’indépendance de l’individu vis-à-vis du couple et de la famille. La forte solidarité de l’individu vis-à-vis du couple et de la famille est perçu comme un signe de “manque d’indépendance” et de mauvaise santé psychologique. Autrement dit, par nature, l’individu est indépendant et a besoin de cultiver son indépendance. Le couple et la famille sont des formes de menace de l’indépendance individuelle. Par conséquent, la généralisation du divorce et du célibat n’est pas interprétée comme une crise du couple et de la famille mais comme un changement positif en ce sens qu’il traduit et renforce l’indépendance individuelle.

A l’inverse, selon la vision coranique de l’homme, par nature, tout a été créé par deux, par couple, dans l’ordre du vivant :

« Louange à Celui qui a créé tous les couples de ce que la terre fait pousser, d’eux-mêmes, et de ce qu’ils ne savent pas ! »

سُبْحَانَ الَّذِي خَلَقَ الْأَزْوَاجَ كُلَّهَا مِمَّا تُنبِتُ الْأَرْضُ وَمِنْ أَنفُسِهِمْ وَمِمَّا لَا يَعْلَمُونَ

Coran 36 : 36

La loi du couple implique que l’homme a besoin de se compléter à travers la femme et réciproquement. Cette complémentarité n’est pas le signe de la faiblesse de chaque individu pris isolément. C’est plutôt le signe de Dieu, le signe d’une création divine complexe où chacun est à sa place, où chaque être humain est libre tout en étant interdépendant avec les autres et avec la nature :

« Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l’affection (mawaddah) et de la tendresse (rahmah). Il y a en cela des preuves pour des gens qui réfléchissent »

وَمِنْ آيَاتِهِ أَنْ خَلَقَ لَكُم مِّنْ أَنفُسِكُمْ أَزْوَاجًا لِّتَسْكُنُوا إِلَيْهَا وَجَعَلَ بَيْنَكُم مَّوَدَّةً وَرَحْمَةً ۚ إِنَّ فِي ذَٰلِكَ لَآيَاتٍ لِّقَوْمٍ يَتَفَكَّرُونَ

Coran 30 : 21

Ainsi, l’homme et la femme, par nature, ont besoin de vivre en couple, dans l’interdépendance mutuelle. Vivre seul, c’est vivre amputé d’une partie de sa nature.

Réévaluer les anciennes vérités et s’ouvrir aux nouvelles

Adhérer au Tawhîd, c’est reconnaître qu’il n’y a rien d’absolu, qu’il n’y a aucune autorité absolue, qu’il n’y a aucune vérité absolue en dehors de Dieu et de ce qu’Il nous révèle. En adhérant ainsi au Tawhîd, on s’engage d’une part à ne jamais sacraliser la connaissance acquise et instituée, et d’autre part, à toujours faire l’effort de s’ouvrir à de nouvelles connaissances :

« Le tawhîd a également l’avantage de purifier les questions épistémologiques par l’examen et la révision constants exigés par la dynamique de l’ijtihâd et le rejet tawhîdî de tout autorité ultime autre que Dieu. Ainsi, ce qui est considéré comme définitif par un individu ou une génération entière de musulmans ne restera pas nécessairement le dernier mot pour un autre individu ou pour la génération suivante ; les autres auront toujours le droit d’ouvrir ou de rouvrir toute question pour l’examiner ou l’affiner de façon approfondie, ou encore pour la rejeter »[25].

Remettre le savoir au service de ce qui a de la valeur et non pas du pouvoir

La sécularisation a déconnecté le savoir et la morale. Elle a mis le savoir entre les mains du pouvoir politique et économique. Tout pouvoir qui évolue sans contrepouvoir éthique devient tyrannique. C’est ainsi que la modernité a donné naissance à un libéralisme amorale générateur d’injustices dans le monde.

Adhérer au Tawhîd, c’est ne pas réduire le savoir à n’être qu’un pur instrument de pouvoir : le savoir, c’est d’abord un outil au service d’une valeur.

« La dimension que le tawhîd apporte en plus au paradigme islamique du savoir permet également d’éviter l’utilisation abusive du savoir comme pouvoir, car le paradigme inclut le concept de communauté de savoir participative et partagée qui, par nature, exclut la monopolisation et l’élitisme. Les sources fondamentales de la connaissance sont accessibles à tous, tout comme les étapes méthodologiques nécessaires pour les traiter »[26].

En réalité, toute connaissance est porteuse de valeurs qui lui inspirent les réponses aux questions suivantes : Que puis-je connaître ? Pourquoi connaître ? Connaître pour faire quoi ? Comment connaître de façon fiable ? Quelle utilité et quel impact la connaissance recherchée a-t-elle sur moi, sur la société, sur les autres et sur la nature…?

« Il existe une relation très étroite entre la connaissance et les valeurs : les valeurs donnent à la connaissance une finalité et, à son tour, la connaissance rend les individus responsables de la distinction entre les connaissances utiles et inutiles »[27].

Aussi, au lieu de les séparer artificiellement, la révélation offre des valeurs pour permettre à la raison de bien fonctionner.

Relier la connaissance à tous les aspects de la vie humaine

Le savoir hyper spécialisé, divisé en disciplines, elles-mêmes divisées en une galaxie de théories, ne permet pas de comprendre l’homme, la société, l’univers et Dieu. Plus le savoir est expert dans un domaine, plus il est ignorant dans les différents aspects de la vie, de la nature, de l’homme, de la société et de Dieu. Le paradigme islamique du savoir permet de réformer le savoir disciplinaire éclaté en proposant de relier les connaissances et les théories pour offrir une vision d’ensemble cohérente.

« Le paradigme islamique garantit également que la connaissance est liée à chaque aspect de la vie humaine, qu’il s’agisse du passé, du présent, du futur ou de la vie dernière. Il garantit que la connaissance est capable de contempler les vérités éternelles et de leur conférer une pertinence plus grande, plus pure et plus complète. C’est cet aspect qui garantit que la connaissance reste élevée et qu’elle ne succombe jamais aux inclinations les plus basses (…) »[28].

En ce sens, le paradigme islamique de la connaissance porte à la fois sur Dieu et l’humanité, sur le monde présent et futur, sur la religion et la vie. Il est ouvert, il peut s’adapter à tout ce que la connaissance contient de positif et éviter tout ce qu’elle peut contenir de négatif. Il offre un critère intellectuel qui relie la connaissance aux valeurs et aux objectifs supérieurs et aux principes universels[29].

Conclusion

Dieu a fait de l’humanité tout entière un khalîfah, un vice-gérant responsable de la bonne gestion de la terre, de la vie et du bien commun qui lui sont confiés. Il invite l’humanité tout entière à jouir de la liberté qu’Il lui a confiée, des bonnes choses qu’Il lui a offertes, à vivre de façon responsable. C’est pourquoi, en islam, l’homme est invité à connaître, à développer ses connaissances sur le monde, mais pas n’importe comment, pas pour en faire n’importe quoi. S’ouvrir à l’islam, c’est découvrir une façon plus universelle, plus juste et plus responsable de produire et d’utiliser la connaissance.


[1] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article traduit de l’arabe par Yusuf Talal De Lorenzo. Publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 539.
[2] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 539.
[3] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 540.
[4] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 540.
[5] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 540.
[6] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 540.
[8] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 541.
[9] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 542.
[10] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 543.
[11] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 543.
[12] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 541.
[13] Le Coran offre des « signes », « âyât » que l’on traduit souvent par « versets ». Mais ce faisant, on réduit son sens. Un signe est un signal, un indice, une preuve… Le monde crée et le Livre révélé contiennent tous deux des « signes » de Dieu.
[14] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 541.
[15] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 541.
[16] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 541.
[17] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 541-542.
[18] Al-Fârûqî, Ismâ’ïl Râjî (1982), Al-Tawhîd. Its implications for Thought and Life. International Institute of Islamic Thought, Virginia, USA, p.43
[22] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 542-543.
[25] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 543.
[26] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 543.
[27] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 541.
[28] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 543.
[29] Tāhā Jābir al-‘Alwānī, Some Remarks on the Islamic and the Secular Paradigms of Knowledge. Article publié dans la revue The American Journal of Islamic Social Sciences, 12 : 4, p. 542.


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